Pour une (inculturation) liturgie haitienne

 Introduction générale

État de la question

Haïti est, depuis le 1er janvier 1804, reconnu non seulement pour ses instabilités politiques et sa pauvreté économique mais aussi comme la première république noire libre et indépendante du monde. Cette indépendance s’obtenait au prix d’une longue culture de résistance de la part d’une armée indigène très mal équipée sur le plan militaire face á la plus puissante armée française de l’époque, l’armée de Napoléon. Après l’indépendance, soit après la mort du père de la patrie Jean Jacques Dessalines en 1806, le pays s´était divisé en deux: Le royaume du Nord dirigé par Henry Christophe et la république du Sud dirigée par Alexandre Pétion. Pour ses écoles, celui-là invitait et hébergeait des protestants anglais dans son royaume. Donc, les protestants durant les premières décennies du XIXème siècle se firent remarquer dans le Nord. A cette lumière, il est possible que les vestiges de l’épiscopalisme aient été posés dès l’établissement du royaume d’Henry Christophe. Cependant, il fallait attendre jusqu’en 1861 pour parler officiellement de l’église épiscopale en Haïti avec l’arrivée du jeune prêtre noir étatsunien Jacques Théodore Holly à la tête d’une centaine d’autres compatriotes qui, tous, fuyaient le racisme qui sévît aux USA à cette époque.   

L’histoire montre qu’évangélisation et culture en Haïti marchaient jusque vers les années 1980 dans une totale dichotomie qui se faisait surtout  remarquer  dans une liturgie inadaptée. La liturgie était une affaire de spécialistes, spectacle du clergé. 

Depuis la période des hérésies où l’Église était obligée de fixer des normes liturgiques ; passant par les reformes (Suisse, Scandinave, Angleterre etc.) jusqu’au deuxième concile du Vatican, beaucoup d’efforts louables ont été envisagés en vue de la création d’une liturgie participative, ouverte, répondant aux différents contextes culturels et linguistiques populaires. Cependant, l’Église étant toujours à reformer, le problème ne se résout pas une fois pour toutes. 

En Amérique Latine et les Caraïbes, nous avons connu le colonialisme (espagnol, anglais, français, portugais etc.). Après les guerres de l’indépendance nous avons connu, à travers le catholicisme, la romanisation. Ces deux moments furent compris comme l’extension de l’Europe. Cette extension fut, à tort, comprise comme la croissance du christianisme dans le nouveau-monde. Très tôt après l’indépendance, cette région fut ouverte aux dénominations nord-américaines(le méthodisme, l’anglicanisme, le presbytérianisme etc.). Chacune d’elles s’amène avec sa culture. Le catholicisme romain amène la culture occidentale et le protestantisme nord-américain la culture anglo-saxonne. Toutes se rejoignent dans l’ignorance des cultures locales, créant ainsi une sous-culture. Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les changements politiques, sociaux et économiques qui surgissent en Amérique Latine montrent la mort de l’occident dont la culture était longtemps comprise comme l’unique modus operandi pour l’avenir des non-européens dans le nouveau-monde. Aussi, ces changements viennent en appui à une nouvelle manière de voir la relation Homme-Dieu. C’est ainsi que le concile Vatican II parlait de “l’adaptation de la liturgie” mais, les conférences épiscopales latino-américaines conscientes des réalités révélées principalement dans et par le contexte socio-économique, politique et culturel de la région, en appui aux efforts des fameuses “Communautés Ecclésiales de Bases (CEB)” de toute la région parlent d’un mot plus fort : “Inculturation”. C’est ici, pour nous, le vrai sens de la Reforme, particulièrement la Reforme Anglaise qui visait une relocalisation du christianisme dans le monde moderne. Au niveau latino-américain, précisément au Brésil, on a beaucoup travaillé le problème de l’inculturation de la liturgie. Sans pour autant couper sa relation avec l’archevêque de Cantorbéry (primat d’honneur des anglicans) ni rejeter les racines liturgiques de l’Eglise Primitive, ni rompre sa relation avec la communion anglicane, l’église anglicane brésilienne crée ce qu’on appelle des liturgies “alternatives” dans le but de rendre la célébration plus communautaire et plus significative pour les fidèles. 

Ces efforts nous réjouissent, d’une part, le cœur et d’autre part, nous servent de motivations pour soulever ce problème déjà chronique dans le contexte haïtien et, en même temps, y proposer quelques solutions.

Dans le cas d’Haïti, il n’y a pas beaucoup d’écrits sur l’éventuelle inculturation de la liturgie. Mais, vers les années antérieures au centenaire de l’épiscopalisme en Haïti(1961), les révérends pères Jean-Elie Charles (haïtien) et Carlyle N. Spitz (étatsunien travaillant alors dans le diocèse) ont senti la nécessité de faire participer davantage les communautés dans la liturgie. Ils ont traduit certaines parties du Livre de la Prière Commune (LPC) au créole, instrument premier de communication entre tous les haïtiens et écrit une messe (kyrie, sanctus, agnus dei) dans cette même lange. Cependant, en plus du manque de concrétisation qu’on peut constater, nous pouvons nous questionner de la manière suivante : Était-il important de traduire le LPC au créole ou de créer une liturgie créole propre au peuple haïtien ? La réponse viendra en proposition. La traduction n’a pas été ni présentée ni diffusée, ni valorisée, ni utilisée dans une célébration officielle comme un document diocésain. Elle devient, par conséquent, une chose faite pour le monde rural haïtien. Et, depuis la création de cette messe créole, il n’y a ni une volonté manifeste en vue d’y donner suite.      

Notre problématique se résume finalement en une question : Comment arriver à une compréhension de la liturgie qui serait aussi synonyme d’une participation (inculturation) beaucoup plus concrète et effective dans le contexte haïtien?

Intérêt de la recherche

Notre vie de futur prêtre nous fait parcourir monts et vallées d’Haïti dans le cadre de notre formation. Le choix et l’intérêt de cette recherche viennent des constats palpables. Le christianisme haïtien se cherche un nouveau souffle. Beaucoup de catholiques romains ne vont à l’église que par habitude. Les épiscopaliens/anglicans vivent chaque fois plus dans l’attente d’une liturgie plus accessible (dans leur langue vernaculaire) et d’une évangélisation mieux articulée. Les gens se convertissent au protestantisme et chutent à un rythme déconcertant. Sur le plan linguistique, la liturgie épiscopale reste incomprise à presque tout le diocèse dont la configuration est majoritairement rurale. Nos fidèles récitent des prières, chantent des cantiques qui leur sont toujours incompris, qui ne viennent pas vraiment de leur contexte. Le livre de Cantiques, par exemple, que le diocèse utilise maintenant est, en grande partie la traduction du grand “Anglican Hymnal” du XVIIIe siècle. Donc, en chantant ces cantiques, les communautés allègres dépendamment de l’harmonie musicale qui s’y dégage, ne sont que de “bons élèves qui récitent de mémoire sans rien comprendre”. Il est à remarquer qu’une dichotomie intellectuel/analphabète, paysan/citadin, ville/campagne a longtemps déchiré le tissu social en Haïti. Il est temps de rompre avec cette dichotomie et, il faut commencer à l’intérieur de l’Eglise. Car, disent les auteurs du LPC “il est évidemment contraire à la parole de Dieu et à l’usage même de l'Église Primitive de faire des prières publiques ou d’administrer les sacrements dans une langue que le peuple ne comprend pas”.

Vu la configuration rurale de l'Église épiscopale d’Haïti, certaines communautés sont sous la responsabilité des ministres laïcs. Ceux-ci ont entre autres la responsabilité de préparer les catéchumènes. Souvent, sachant à peine lire, ils étudient avec les catéchumènes le LPC tel qu’il est. La grande contradiction vient lors de l’administration des sacrements. Les catéchumènes, souvent analphabètes, ont du mal à mémoriser tel qu’il est le langage exceptionnel du Livre de la Prière Commune. C’est là que vient la grande contradiction. S’ils oublient les textes tels qu’ils sont dans le LPC, comme c’est souvent le cas, ils ne sont même pas en mesure, à partir de leur propre mot de balbutier les réponses. Ce manque de coïncidence linguistique est, à notre avis, handicapant et diminue le rôle et l’importance de la liturgie et des sacrements au regard de l’Eglise. 

Depuis l’indépendance haïtienne en 1804, les gouvernements qui se sont succédés ne s’intéressent pas trop à l’éducation du peuple haïtien et ont toujours fait en sorte que la masse soit maintenue en dehors de la politique en utilisant stratégiquement une langue qu’elle ne parle ni ne comprend : le français. Comme conséquences, bien qu’il soit l’instrument premier de communication entre les haïtiens, beaucoup ont, à tort, une conception dévalorisante de leur propre langue eux-mêmes : le créole. Cela traverse malheureusement la vie de l’Eglise et, de fait, crée des difficultés pour un “vécu” réel de la liturgie dans le contexte linguistique du peuple. Selon père Jean-Elie Charles, professeur retraité du séminaire de théologie de l’Église épiscopale d’Haïti, il s’agit d’une colonisation spirituelle dont l’ignorance rend plus corsée la bataille pour l’adaptation de la liturgie dans le contexte haïtien. 

Nous avons tantôt vu comment ont échoué les auteurs de la traduction au créole de certaines parties du LPC. A leur place, nous aurions connu le même sort. Mais l’histoire nous donne l’opportunité de prendre du recul et d’avoir nos propres jugements. L’une de nos remarques est que l’idée, bien que bonne, n’a pas été collective. Les laïcs, longtemps habitués au français, n’étaient pas assez imprégnés de cette nécessité ni assez motivés ni préparés pour ces changements. La liturgie n’est pas la création de “quelques spécialistes” pour les autres, ni non plus une œuvre faite une fois pour toutes et applicable dans n’importe quel contexte. C’est plutôt un désir d’actualisation de la vie chrétienne qui pousse à la pratique de la justice, à réfléchir sur les relations interpersonnelles et à prier. C’est un désir communautaire de vivre la foi authentique de l’église-peuple-de-Dieu (Ecclésia). Cet échec ne veut pas dire que les fidèles cessent de chercher leur espace dans la liturgie. Au contraire, dans certaines communautés on trouve une liturgie plus catholique romaine et dans d’autres une amalgame liturgique dont certaines pratiques sont mêmes contradictoires aux doctrines anglicanes. Donc, le résultat se révèle un retard pour l’église épiscopale haïtienne tant sur le plan pastoral que missionnaire : pas beaucoup de nouveaux convertis et, le peu qu’on a ne comprend pas la liturgie. Donc, ils sont passibles d’être emportés par n’importe quel courant et/ou doctrine. 

Le plus récent effort diocésain sur le plan liturgique date de 2005. Cet effort bien apprécié se limitait à compiler d’anciens hymnes du grand “ Anglican Hymnal” du XVIIIe siècle dans un fameux “Livre de Cantiques qui n’a toujours pas comblé les attentes du diocèse. Car, ces chants venant d’une tradition culturelle différente de la culture caribéenne africaine, véhiculent des valeurs insaisissables par nos catégories de pensées. Et, en grande partie, la théologie qui s’y dégage est une illustration médiévale qui n’a pas grand-chose à voir avec la situation socio-historique, politique et économique réelle de l’Haïti d’aujourd’hui. A cette lumière, il y a urgence pour une liturgie bien qu’anglicane mais qui soit d’abord et surtout haïtienne. Une liturgie dont les cantiques feront chanter une assistance selon ses possibilités. C’est ce qui permet de solenniser la liturgie. Cette thèse prétend non seulement soulever le problème mais aussi suggérer quelques jalons pour les résoudre. Elle est à la fois un archive sur la genèse de l’épiscopalisme en Haïti et une  référence à tous les fidèles de cette église, laïcs, prêtres, étudiants du séminaire et, d’une manière générale, à tous ceux qui auraient intérêt à comprendre l’Eglise-Société, la relation Homme-Dieu.      


Méthodologie de la recherche et plan du travail

Toutes les archives référant à l’implantation de l’église épiscopale en Haïti ont été emportées par le feu en raison des turbulences politiques qui ont secoué Haïti durant la première et la seconde moitié du XIXe siècle. Cependant, le père Roger Désir a écrit une petite brochure tenant compte de certains faits et dates historiques qui nous servira d’atouts dans cette démarche. Pour le reste, comme nous l’avons dit, nous ferons usages de nos expériences acquises dans les communautés comme futur prêtre.

Pour tenter de répondre á notre problématique, nous avons divisé notre travail en quatre(4) chapitres :

  • Considérant que l’environnement a servi et sert encore à l’histoire des religions de cadre et de support, nous commençons notre travail par définir le cadre socio-historique de l’implantation de l’épiscopalisme en Haïti. A noter que cette implantation a eu lieu un an après la signature du concordat entre l’état haïtien et le Saint-Siège élevant le catholicisme romain au rang d’église officielle (1861) et, par conséquent, lui donne droit d’empêcher le pays de devenir protestant, d’éradiquer le vodou et de conduire le pays vers la “civilisation”. Nous faisons aussi ressortir les implications de l’église épiscopale dans la promotion de la culture locale, nationale, laquelle, à cette époque, ne représentait pour l’élite socio intellectuelle haïtiano-européenne d’alors, que, pour répéter l’anglais Selden Rodmen, “superstition des Africains non civilisés”.  

  • Dans le deuxième chapitre, partant de la religion traditionnelle afro haïtienne, le vodou, nous essayons de décrire de manière systématique les relations qui existent entre culte et culture à partir d’une perspective haïtienne. Cette description nous aura donné des éléments pour comprendre l’ignorance à laquelle la culture haïtienne a été soumise tantôt par les colons que par les haïtiens eux-mêmes en embrassant le christianisme dans sa version occidentale et anglo-saxonne (linguistique, contextuelle, idéologique et culturelle). Nous faisons ressortir les valeurs positives de la culture haïtienne marquée par le vodou, réalité que les haïtiens ont encore du mal à assumer. Ces valeurs, pour répéter Jean-Paul II, doivent retenir l’attention de toute inculturation qui ne sera pas de surface. Nous terminons le chapitre avec une introduction du chapitre suivant, tout en rappelant que la mission de l’Eglise même lui fait obligation de cultiver et de développer les qualités et les dons des divers peuples, pourvu que tout s’harmonise avec un véritable et authentique esprit liturgique. 

  • Le troisième chapitre est consacré à une révision historique de l’inculturation liturgique dans l’expérience biblique et ecclésiale. Nous étudions les relations qui caractérisent les pâques chrétiennes, base de notre foi, et la pâque juive traditionnelle. Tout ceci nous conduit à passer historiquement en revue Jésus comme l’homme d’un pays, d’une race, d’une époque et d’une culture pour pouvoir trouver des pistes argumentant notre position. Enfin, nous montrons qu’en dépit de l’importance de l’inculturation, il est important pour l’Eglise d’analyser les éléments culturels avant de les introduire dans la liturgie. Car tout ce qui est culturellement admissible n’est pas forcément admissible liturgiquement. 

  • Cet approfondissement nous conduit au quatrième et dernier chapitre où il est question d’une présentation panoramique de la configuration du diocèse de l’église épiscopale d’Haïti, d’une présentation plus profonde des défis qui empêchent un vrai “vécu” de la liturgie dans le contexte haïtien. Et, utilisant les 24e et 34e “Articles de Religion” du Livre de la Prière Commune en vigueur, nous concluons en proposant des jalons (pastoral, institutionnel et régional), avec des explications spécifiques des apports de chacun, qui pourront aider à redéfinir une liturgie bien qu’anglicane mais qui soit d’abord et surtout haïtienne. 





















Liste des Sigles

CEB : Communauté Ecclésiale de Base

CT : Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Catechesi Tradendae.

ECUSA: Episcopal Church of United States of America

LC: Livre de Cantiques à l’usage de l’Église épiscopale d’Haïti.

LPC: Livre de la Prière Commune (livre pour célébrer la messe)

OPST : Orchestre Philarmonique Sainte Trinité

SC : Concile Vatican II, Constitution Sacrosanctum Concilium sur la Liturgie.

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture.

USA: United States of America 


      

 









Chapitre I

Histoire de l’épiscopalisme en Haïti et son implication dans la promotion de la culture nationale

Selon le vœu du roi Henry Christophe, roi du Nord d’Haïti de 1807 à 1820, Haïti devait avoir pour convention officielle d’État, l’Église Anglicane. Dans l’objectif d’éduquer les citoyens de son royaume et d’abolir les vestiges de  l’impérialisme français, Christophe essaya d’introduire la langue anglaise dans son royaume, les méthodes  d’éducation anglaise et la religion anglicane qu’il considéra, à travers une correspondance adressée à l’abolitionniste anglais William Wilberforce, comme la plus sublime. Donc, nous pourrions poser comme hypothèse que les vestiges de l’Église épiscopale remontent aux temps d’Henry Christophe. Cependant, il fallait attendre en 1861 pour parler officiellement de l’église épiscopale avec l’arrivée du jeune diacre noir Jacques Théodore Holly à la tête d’une délégation d’afro-étatsuniens. A noter qu’il s’était déjà rendu en 1855 en Haïti dans l’objectif, vu que le racisme était très fort aux Etats-Unis, d’étudier les possibilités pour les étatsuniens noirs de venir s’installer en Haïti.  

Jacques Théodore Holly est né à Washington DC en 1824. Il était descendant d’esclaves affranchis. Il a été baptisé et élevé dans l’église catholique romaine mais peu à peu il s'est éloigné de l'église catholique romaine. Il était un cordonnier, un professeur et directeur d'école avant son ordination à l'âge de 27 ans. Il a été l'un des fondateurs de la “Société Protestante Épiscopale pour la Promotion et l'Extension de l'Église parmi les personnes de couleur” en 1856. Ce groupe a contraint l'Église de prendre position contre l'esclavage lors de la convention générale. 

Jacques Théodore Holly a passé ses premières années à Washington DC et à Brooklyn NY où il s'est connecté avec Frederick Douglass et d'autres abolitionnistes noirs. 

En 1852, il a laissé l’église catholique romaine et se convertit à l'église épiscopale pour se rendre en Haïti en 1855 où il allait devenir en 1874 le premier évêque noir de l’église épiscopale et le deuxième de toutes les grandes églises chrétiennes. A noter qu’Haïti depuis son indépendance jusqu’à 1860 n’avait pas alors de bonnes relations avec Vatican et, la plupart des hommes d'Haïti nourrissaient leur sentiment religieux à travers le symbolisme et le respect de la loge maçonnique (franc-maçonnerie). En tant que franc-maçon expérimenté et érudit, Holly a visité les temples maçonniques et fait des amis parmi leurs membres exclusifs. 

En 1856, la société protestante épiscopale pour la promotion et l'extension de l'Église parmi les personnes de couleur a été fondée par Jacques Théodore Holly. Sa composition comprenait quatre membres du clergé noir et sept congrégations. Cet organisme a combattu l'exclusion des épiscopaliens noirs des séminaires diocésains et conventions, ainsi que le refus de l'Église épiscopale de prendre position contre l'esclavage.

Jacques Théodore Holly est arrivé en Haïti pour la première fois en 1855. Ce premier voyage était dans le but d’étudier la possibilité d’émigration des américains noirs en Haïti suite à une guerre civile déclenchée aux États-Unis.  Le 26 mai 1861, encore le même personnage à la tête d’une centaine de compatriotes émigrants. Cette fois-ci, l’objectif changea. Ce fut dans le but d’installer une mission de l’église épiscopale. La mission s’établit non loin de  Port-au-Prince sur l’habitation du président Fabre Geffrard dont la résidence privée servait de lieu de culte. Au cours de ce séjour, une terrible épidémie de malaria et de typhoïde s’abat sur la zone et emporta 43 des 110 émigrants; les rescapés retournèrent aux États-Unis à l’exception d’une vingtaine y compris Jacques Théodore Holly qui restèrent dans le pays pour poursuivre la mission d’implanter l’Église. Il était muni pour cette mission de lettres de créances signées par l’évêque du Connecticut qui l’accréditait auprès du gouvernement haïtien dont il avait reçu aussi l’invitation. 

Deux ans plus tard, soit en 1863, Jacques Théodore Holly commença à entreprendre des démarches pour la reconnaissance de l’“église orthodoxe apostolique haïtienne” comme membre de la communion anglicane. Le 25 mai de cette même année fut établie la paroisse sainte Trinité à Port-au-Prince. Le mois de novembre suivant Mgr Browel visita l’ile d’Haïti et administra le sacrement de la confirmation à 36 personnes et la mission gagna entretemps du terrain.

En 1866, beaucoup d’événements ont marqué la vie de la jeune église. Ce fut tout d’abord la 2ème visite épiscopale à laquelle prirent part deux évêques anglicans : Arthur Coxe, évêque de New York et Georges Burges, évêque de Maine. Malheureusement ce dernier mourut dans son bateau pendant qu’il quitta Miragoâne, la cote sud d’Haïti. A cette occasion, dix diacres et un prêtre furent ordonnés et quatre vingt personnes confirmées. Ensuite ce fut l’année de l’organisation du premier Synode de l’Église d’Haïti. Cette année marqua également l’émergence d’un clergé indigène. Deux haïtiens d’origine (Julien Alexandre et Saint Louis Denis Beauduy) reçurent le sacrement de l’Ordre. Dans le message délivré à cette occasion, Mgr Carson considéra ce troisième fait comme un sujet de légitime fierté pour l’Église mère, qu’une Église commence avec des prêtres indigènes. 

Après l’épidémie de la fièvre jaune, en 1866, c’est le feu provoqué par le président Sylvain Salnave qui a disparu  la paroisse sainte Trinité et, pour sauver sa peau et sa famille, Holly a dû s’enfuir dans les mornes laissant l’Église, les écoles et la maison consumer dans le feu.

En 1870, n’ayant pas encore de séminaire comme on le reconnaît aujourd’hui, des candidats aux ordres sacrés laissèrent Haïti pour les États-Unis d’Amérique en vue d’approfondir leur formation théologique. C’est au cours de cette même année, à travers le deuxième synode de l’“Église Orthodoxe Apostolique d’Haïti” (aujourd’hui l’“Église Épiscopale d’Haïti”), qu’on a lu la lettre de Lambeth reconnaissant celle-ci comme membre de la communion anglicane et, du même coup, invita Jacques Théodore Holly à prendre part à ladite conférence. L’année suivante, des demandes formelles furent adressées à la convention générale de l’Église Épiscopale des États-Unis d’Amérique (ECUSA) dans le but de choisir un évêque pour Haïti. C’est ainsi qu’en 1871, la chambre des Évêques confia le dossier au comité de “l’Église Missionnaire” laquelle en réponse chargea Mgr Arthur Coxe (évêque de N.Y) la mission de l’Église d’Haïti. 

Pour la troisième fois, en 1873, la paroisse sainte Trinité (aujourd’hui cathédrale sainte Trinité) a disparu sous le feu. Jacques Théodore Holly a, au cours de cette incendie, perdu d’importants ouvrages de théologie de la langue française. 

En Octobre 1874 le père Jacques Théodore Holly fut ratifié comme premier évêque de l’Église orthodoxe apostolique haïtienne. Le 30 novembre de cette même année, un protocole d’harmonie fut signé entre cette église et l’Église épiscopale des États-Unis d’Amérique (ECUSA). Dans la même année, le père Holly fut consacré comme premier nègre-évêque dans la succession américaine et deuxième dans toute la communion anglicane non pas par les grandes églises épiscopales américaines qui, à cette époque, refusaient d’ordonner un noir évêque missionnaire, mais par l'“American Church Missionary Society”, une branche de l'église épiscopale américaine. 

En 1878, au cours de la conférence de Lambeth, Jacques Théodore Holly a changé un parcours historique traditionnel. Mgr Holly, deuxième évêque nègre de toute la communion anglicane fut le premier à prêcher au Westminster abbaye-Londres. Dix ans plus tard, soit le 4 juillet 1888, l’Église Sainte Trinité est consumée une quatrième fois dans le feu. 

Au début du 20e  siècle, soit en 1900, Jacques Théodore Holly fut naturalisé haïtien et devint donc un évêque épiscopalien anglican haïtien. Statistiquement, le diocèse était ainsi présenté : un évêque, treize prêtres desservant 22 paroisses et missions organisées, 2 candidats et 3 postulants aux saints ordres, 20 ministres laïcs, 554 membres communiants 

Trois ans plus tard, soit le dimanche 5 juillet 1908, la cathédrale Sainte Trinité, a pour la cinquième fois, disparu dans un incendie à Port-au-Prince qui dura cinq jours. Malgré tous ces débuts difficiles, Mgr. Holly n’a cessé d’ordonner diacres et prêtres. C’est ainsi qu’il a administré pour la dernière fois le sacrement de l’ordre, en 1910,  à deux candidats au diaconat et  à deux diacres au presbytérat. 

Le 13 mars 1911, Mgr. Jacques Théodore Holly est mort dans son lit à l’âge de 82 ans. Il y avait, à cette époque, 14 prêtres, 2 diacres, 11 ministres laïques, 14 candidats aux ordres sacrés, un postulant, 2000 membres baptisés, 650 communiants, 26 missions et plusieurs stations, 9 écoles d’agriculture et un séminaire de théologie.

La mort de Mgr. Jacques Theodore Holly aura fallu la compromission de l’indépendance de l’“église orthodoxe apostolique haïtienne”. En 1913, sur demande du clergé haïtien, l’“église orthodoxe apostolique haïtienne” est devenue l’“église épiscopale d’Haïti”, un diocèse missionnaire de l’église épiscopale des États-Unis d’Amérique (ECUSA). Ce fut aussi le commencement d’une grande période de troubles, de désorganisation et de confusions pour le diocèse d’Haïti. Durant cette période, plusieurs évêques tels que ceux de Panama, de Cuba et de Porto-Rico visitèrent le diocèse d’Haïti. 

En 1923, vu l’état de la désorganisation et de la confusion du diocèse, l’église épiscopale américaine s’était vu obliger de consacrer un évêque propre à la jeune église en vue de sa réorganisation, sa consolidation et sa croissance. Mgr Carson fut élu et consacré pour occuper ce poste.  

En 1927, sous l’invitation de l’évêque Carson, 4 sœurs du “Couvent Sainte Marguerite” arrivèrent en Haïti pour apporter leurs concours à l’éducation chrétienne. Elles travaillèrent à la promotion féminine et à l’administration de l’École Sainte Trinité, fondée en 1913 pour les “ jeunes filles pauvres de la paroisse”. 

En 1939, Mgr Spence Burton arriva comme évêque suffragant d’Haïti et, quatre ans plus tard, soit en 1943, Mgr Carson prit sa retraite après 20 ans d’épiscopat au cours duquel il  arriva à implanter d’autres missions dans les provinces et environs et réalisé des constructions. Les statistiques présentaient la configuration du diocèse ainsi : 23.000 baptisés, 9220 membres communiants, 6 missions, 12 écoles primaires, 18 prêtres  haïtiens et 82 ministres laïques.

Décembre 1943 marqua une date importante dans la vie de l’église épiscopale d’Haïti. C’est au cours de cette période que Charles Alfred Voegeli deuxième évêque missionnaire et troisième évêque de la succession haïtienne fut consacré évêque pour le diocèse d’Haïti. C’est sous son épiscopat, en 1949, que furent entrepris les travaux des fresques de la cathédrale sainte Trinité comme contribution à la commémoration du bicentenaire de la ville de Port-au-Prince. C’est aussi sous son épiscopat que, collège saint pierre, la première institution secondaire de l’église non catholique romaine, fut construit en 1956. 

Du 21 au 25 mai 1961, l’église épiscopale d’Haïti fêtait son centenaire et comptait à cette époque 34.000 baptisés dont 13.000 membres communiants, 76 missions, 94 stations, 24 prêtres et 136 ministres laïques, ajoutés à 64 écoles dans les provinces et les zones rurales, 3 à Port-au-Prince, un séminaire de théologie et 3 cliniques médicales. Le bilan, considérant les problèmes auxquels devait faire face le diocèse d’Haïti, se présente comme une pluie de bénédictions sur le diocèse et sur tout le peuple haïtien.          

        

  1. Une étude systématique des fresques folkloriques de la cathédrale sainte Trinité comme premier jet d’une église impliquée dans la promotion de la culture locale 

Le terme “fresque” vient de l’italien “a fresco”, “dans le frais”. C’est une technique particulière de peinture murale dont la réalisation s’opère avant qu’il ne soit sec, sur un enduit appelé “intonaco

Avant d’aborder les fresques de la cathédrale de l’église épiscopale d’Haïti, il est bon de rappeler qu’Haïti est unique parmi les nations caribéennes, par le fait qu’elle soit la première république noire libre du monde et la seconde république de l’hémisphère occidentale. Les esclaves arrachés des terres d’Afrique,  transportés sur le sol de l’actuel Haïti avec leurs croyances ont été baptisés dans le catholicisme romain. De ce mélange de croyances sont nées une nouvelle culture, une nouvelle religion, un nouvel mode de vie: le vodou, la magie, la superstition. En parlant du vodou en Haïti, le terme “superstition” soulève beaucoup de mal entendus. Nous prenons ici le soin d’en parler du point de vue général. Car, plusieurs chercheurs partagent l’idée que la “superstition” est commune à toutes les religions.   

Au milieu des années 1940, en pleine occupation américaine, un collectionneur américain nommé Dewit Peters est arrivé en Haïti pour enseigner la langue anglaise. Surpris par les talents de deux grands peintres haïtiens Hector Hyppolite et Philomé Obin, Dewitt P. s’est senti obligé de passer de la parole aux actes pour créer à Port-au-Prince le “Centre d’Art” dans le but de faire connaître les œuvres haïtiennes. 

A la fin des années 1940, l‘année de la commémoration du bicentenaire de la fondation de la ville de Port-au-Prince, dans son ouvrage “The Miracle of Haitian Art”, Selden Rodman raconte son choc et sa colère quand le président Dumarsais Estimé, connu pour être un nationaliste et un africaniste, a débloqué près d'un million de dollars américains à des artistes français et belges de “troisième qualité” et “d'un gout le plus gros”, alors que pour les artistes haïtiens “pas même un centime ne leur a été accordé”.  

Dans sa fureur, M. Rodman est allé auprès de l'Archevêque de l'église catholique romaine à Port-au-Prince. Il a suggéré au prélat d'offrir aux artistes haïtiens quelques murs de la Basilique Notre Dame (Cathédrale de Port-au-Prince), même une petite chapelle, pour qu'ils puissent exprimer leurs visions des vérités bibliques. Mais l'archevêque s'opposa à un tel projet en affirmant que “les tableaux représentés dans le Centre d'Art ne reflètent que des superstitions des Africains non civilisés”. 

Au terme de son pèlerinage, M. Rodman s'est alors présenté à Monseigneur Charles Alfred Voegeli de l'Église Épiscopale d’Haïti qui, à cette époque, était jeune et sans peur, a répondu avec spontanéité : “En avant!”. Ce travail commença en 1949 sur les murs de la Cathédrale Sainte Trinité en peinture “Egg tempora” entre 1951 à 1953. 

Il y avait beaucoup de critiques à propos des fresques murales de la cathédrale sainte Trinité. Des gens, en regardant “Adam et Êve” nus par Toussaint (ministre laïc de la cathédrale) ont des opinions diverses. Une personne a affirmé: “ Surement, le Bon Dieu a fait mieux que ça au commencement”. Pour d'autres visiteurs, l'Église Épiscopale d’Haïti, s'engage dans des “images taillées” défendues par Moise dans les 10 Commandements (Exode 20, 4). Selon leur avis, on peut raconter la Bonne Nouvelle par des mots écrits et des prédications de la voix humaine, mais on ne peut pas la répandre, surtout pour les non lettrés, par des tableaux ou des peintures. D'autres encore, plus conservateurs, affirment que le “vrai art” vient seulement de l’Europe (spécialement de la France ou de l'Italie).  

Le temps, faisant son chemin, a permis à l'art naïf haïtien d’être populaire et très apprécié en Europe. Subitement les fresques folkloriques de la cathédrale sainte Trinité sont devenues fameuses et constituent un site touristique pour le pays. La grande toile de Wilson Bigaud de son “Adam et Êve” (maintenant dans la collection permanente du Musée d'Art Haïtien du Collège Saint-Pierre, Église Épiscopale) a été empruntée pour une exposition en Allemagne. 

Les fresques de la cathédrale sainte Trinité reflètent la vision des artistes haïtiens des histoires bibliques. Il n'y a rien de sorcier ou de superstitieux, puisque l'Église Épiscopale, contrairement à ce que d'autres pensent de ces “images taillées”, ne rend pas de culte aux images, ni aux icones, ni aux  statues, ni a aucune vierge. Toute la gloire est à Dieu! Comme cela est dit par Jésus dans Jean 4, 24. Le chrétien doit adorer Dieu “en Esprit et en vérité”.

Représenter “à l'haïtienne” un Jésus noir recevant le baptême entre les mains de Jean-Baptiste à Saut-d'Eau (une région d’Haïti transformée en lieu sacré et de pèlerinage) et non dans le Jourdain, au milieu des paysans haïtiens vacant à leurs activités quotidiennes est osé et est similaire aux représentations “à la romaine” des œuvres de Michelangelo dans la chapelle Sixtine à Rome, en Italie. Partout, qu’il soit en Italie, en Allemagne, en France ou en Angleterre, les artistes ont exprimé les histoires bibliques suivant leur culture. La signification de tout cela n'est autre que l'universalité de l’Évangile qui transcende les temps, les cultures, les lieux et les barrières raciales. C’est la manifestation universelle de l'omniprésence divine et de son amour pour tous les hommes sans discrimination de langue, de sexe, de rang social, de couleurs, de culture, etc. 

“Autrefois Dieu qui n'a ni corps, ni figure, ne pouvait absolument pas être représenté par une image. Mais maintenant qu'il s'est fait voir dans la chair et qu'il a vécu avec les hommes, je peux faire une image de ce que j'ai vu de Dieu... Le visage découvert, nous contemplons la gloire du Seigneur”. Dans les fresques de la cathédrale, images et paroles s’éclairent mutuellement pour, d’après  l’idée de saint Jean Damascène, stimuler la prière. La contemplation des icônes saintes, unie à la méditation de la Parole de Dieu et au chant des hymnes liturgiques, entre dans l’harmonie des signes de la célébration pour que le mystère célébré s’imprime dans la mémoire du cœur et s’exprime ensuite dans la vie nouvelle des fidèles. Les signes et symboles occupent une place fondamentale dans la vie humaine. Étant un être à la fois corporel et spirituel, l’homme exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. Dieu même utilise le cosmos pour se présenter à l’intelligence de l’homme et que ce dernier puisse y lire les traces de son Créateur (Sg 13, 1 ; Rm 1,19-20; Ac 14,17). Comme être social, l’homme a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il en est de même pour sa relation avec Dieu. Pour mieux illustrer, faisons une présentation systématique des fresques folkloriques de la cathédrale épiscopale d’Haïti (cf. indice photographique). 

Au fond du sanctuaire se trouve la Crucifixion. C’est l’œuvre du peintre haïtien Philomé Obin, achevé en 1950 sous la direction du Centre d’Art. Jésus est mort sur la croix au milieu d’une foule de femmes munies de chapeaux et de vêtements traditionnels haïtiens qui le regardaient d’un air triste. Devant la croix, la mère de Jésus et autres femmes en tenue galiléenne le pleurèrent et cet évènement est suivi sous le regard de l’œil protecteur de Dieu (fig. 1).

On a aussi l’Ascension, par Castéra Bazile, achevé en 1950 sous la direction du Centre d’Art. La scène se déroule en pleine rue d’un village haïtien, au milieu de paysans haïtiens et des disciples de Jésus (parmi eux Saint Pierre, reconnu avec les clefs attachées à son dos). Jésus est monté au ciel, accompagné de quatre anges. (fig. 2). La Nativité, par Rigaud Benoit, achevée en 1950 sous la direction du Centre d’Art. Bethléem est représenté par un village haïtien. En cette nuit de Noël, les bergers sont représentés par des paysans haïtiens, qui, à genoux, rendent gloire au nouveau-né dans la crèche. Toute cette scène est suivie par la Vierge intronisée et suivie de deux anges. La substitution des rois mages par les paysans haïtiens est très significative. Il ne suffit pas de remonter à l’histoire  ancienne car, le contexte dans lequel vivent ces paysans mérite vraiment une intervention messianique. (fig. 3). Les Anges, par Gabriel Lévêque, semblent donner la gloire à Dieu avec des gerbes de fleurs et au son de la trompette. (fig. 4) 

L’Annonciation, par Adam Léontus, achevée en 1951 sous la direction du Centre d’Art. L’Ange Gabriel et la Vierge Marie, tous deux de race noire vêtus de couleurs traditionnelles dans un environnement haïtien. 

La Fuite en Égypte, par Toussaint Auguste, à la Chapelle Notre Dame, achevé en 1951, sous la direction du Centre d’Art. Joseph, en chapeau traditionnel haïtien, tient les rennes de l’âne sur laquelle est assise Marie qui elle-même porte l’enfant Jésus dans leur tenue du Proche-Orient aux couleurs traditionnelles d’Haïti. La caravane est suivie d’un autre âne qui transporte trois chaises traditionnelles haïtiennes dans un environnement haïtien. Il est important de voir Joseph muni d’un sac très significatif dans le milieu culturel haïtien. On appelle couramment ce sac “makout zaka” et, il semble que le terme est ici bien employé. Dans le langage vodouesque, le “zaka” est le “nourricier”, “celui qui travaille et qui prend soin”. C’est exactement ce qu’est Joseph dans le mystère de l’Incarnation. (fig. 5). 

Les Noces de Cana, par Wilson Rigaud à la chapelle Notre Dame, sont une représentation typiquement haïtienne des noces dans un village. Avec des lampes « tèt gridap » éclairant les époux, les musiciens haïtiens jouant au tambour, aux flûtes de rara communément appelées joncs, un homme se reposant sur une dodine et fumant une pipe, […] Tout cela pour décrire le récit où Jésus a accompli son premier miracle en transformant l’eau en vin. » (fig. 6).

Il faut aussi faire remarquer, dans cette photo, que le Jésus qui bénit l’eau prend la forme d’une femme. Cette image montre comment la culture haïtienne a longtemps anticipé le développement de la théologie féministe en Amérique Latine qui a connu son essor vers la deuxième moitié du XXe siècle.     

La Tentation d’Adam et d’Êve, T. Auguste (fig. 7)

Le Baptême de notre Seigneur, par Castéra Bazile, sous la direction du Centre d’Art. Le Jourdain est représenté par la chute Saut-d’Eau, dans un environnement typiquement haïtien, Jésus reçoit des mains de Jean-Baptiste le baptême, au milieu de paysans haïtiens vacant à leurs activités : une femme qui fait de la lessive, un homme qui pêche à l’aide d’un panier etc. (fig. 8).

Jésus chassant les vendeurs du Temple, par Castéra Bazile, en 1951 sous la direction du Centre d’art. Jésus, armé d’un “matinèt”  “fouet traditionnel haïtien” chasse les marchands en tenus traditionnels (fig. 9)

La Sainte Cène ou le dernier repas ou l’institution de l’eucharistie, par Philomé Obin, achevé en 1951 sous la direction du centre d’Art. (fig. 10)

Toutes les images, bien qu’inspirées de la Bible, présentent la réalité culturelle du peuple haïtien. Elles rappellent le peuple haïtien ses racines ancestrales et servent d’instrument didactique pour faire comprendre certaines histoires bibliques à un peuple majoritairement illettré, analphabète. 

L’occident chrétien présente les anges avec la couleur blanche et Satan avec la couleur noire. C’est l’une des raisons pour laquelle que le sociologue haïtien Laennec Hurbon est hostile à toute représentation colorée de Dieu. A cet effet, l’Église épiscopale apporte une contribution énorme dans le changement de cette conception en valorisant les peintres haïtiens, reconnaissant dans les peintures haïtiennes une culture aussi valable que toutes autres, un courant de spiritualité, un mode de pensée, de sentir, un symbolisme, un langage. Là où l’occident dira “il faut savoir lire entre les lignes”, l’africain dit “il faut savoir percevoir entre les images”. Comme dit le proverbe chinois “une image vaut mille mots”. Donc, les fresques de la cathédrale furent non seulement un espace pour les artistes de dire leur appréhension des vérités bibliques sinon bien plus un moyen d’éduquer et d’enseigner ces vérités à un peuple analphabète dans sa grande majorité.      

La peinture haïtienne se caractérise à la fois par ses sources d'inspiration, populaires et spirituelles, et par un style original incarné. Elle se fait remarquer surtout par une multitude de couleurs vives. Pour le comprendre, il faut remonter à la période coloniale où les esclaves, pour se différencier des colons, faisaient peindre leur maison avec une multitude de couleurs. Le rouge, couleur très dominante, est utilisé dans certains pays comme un signe de danger. Tandis qu’en Chine, par exemple, c’est un signe de bonheur, de chance. Donc, là, le vieil adage est assez connu : Des goûts et couleurs, on ne dispute pas. 

L’origine de l’art chrétien est donc claire et biblique. Cependant si l’art chrétien se trouve partout, en terme de contenu sociologique dans certains cas son explication reste encore floue. Comment les mêmes symboles et images se dispersaient de Rome jusqu'à Espagne, Alexandrie et vice versa? 

Dans de nombreux pays non occidentaux, l’art se confond avec la vie. Sur un tel présupposé, comprenons que l’art chrétien doit être à l’image de l’église comprise comme peuple-de-Dieu-en-marche-vers-le-salut. L’art, selon J. Cottin, c’est tout simplement une manière d’être au monde, une attitude d’ouverture face à la vie, un accueil de l’humain avec ses sens, mais aussi avec une expression spirituelle qui fait partie intégrante de sa personne humaine, de son patrimoine culturel. Selon J. Cottin, l’art, la vie et la croyance sont des aspects différents d’une même réalité. Donc, à partir de ces lignes nous voyons que l’Église épiscopale s’est révélé promotrice des talents et de la culture haïtienne. Il ne saurait être autrement puisque le contexte sociohistorique de l’implantation de l’église épiscopale en Haïti nous laisse voir clairement que c’était l’œuvre des noirs qui, humiliés par la guerre raciste qui sévît aux USA durant la première moitié du XIXe siècle, cherchaient à affirmer leur identité et vivre leur foi dans une Église-famille. Mais, il faut prendre le temps de se demander, après tous ces indices montrant l’implication de l’église épiscopale dans la promotion de la culture nationale, si l’inculturation de la liturgie serait encore un problème. 

L’Eglise, à l’instar des pharisiens qui ont demandé à Jésus si de Nazareth pourrait sortir quelque chose de bon, a longtemps ignoré la culture haïtienne. Comme nous l’avons dit plus haut, la culture haïtienne est, dans toutes ses composantes, marquée par le vodou, réalité que beaucoup d’haïtiens ont du mal à assumer, à valoriser et à reconnaître. L’historien haïtien Michel Soukar décèle dans le comportement de l’haïtien la valorisation de tout ce qui est composante étrangère au niveau de la culture : mode vestimentaire, alimentaire, savoir, forme politique, et la dévalorisation de tout ce qui compose notre héritage physique, anthropologique, culturel d’origine non européenne. Le vodou et tout le lot culturel qui l’accompagne à ce titre déjà sont dévalorisés.  

Pour tenter de répondre à notre question, en 1961, le créole haïtien n’a pas attendu une décision parlementaire ou un article constitutionnel pour investir la liturgie de l’église épiscopale d’Haïti. William Smart, situant la place du créole dans la vie et la liturgie de l’église catholique romaine après le deuxième concile du Vatican, nous fait voir que l’église épiscopale, à travers un effort historique, cherchait à être une église anglicane qui témoigne l’Évangile du Christ dans sa pureté dans le contexte haïtien. Pourquoi disons-nous historique? L’histoire contemporaine ne montre pas que l’église épiscopale a su donner les suites tant attendues à cet effort, lesquels pourraient grandement contribuer au labeur œcuménique en Haïti et aider à l’accroissement de l’église épiscopale. Au contraire, elle montre d’une part, le clergé dans son “conservatisme liturgique” et d’autre part, les communautés dans leur ouverture, leur création et leur talent ignorés et, à un niveau beaucoup lus complexe, dans leur ignorance de leur propre culture. Sachant que chaque langue dispose d’un nombre de concepts qui nécessitent une certaine ingéniosité quand il s’agit de les rendre dans une autre, le problème est devenu plus complexe et plus fascinant dans notre contexte haïtien. 

En effet, en raison des structures étatiques faibles et corrompues que connaît Haïti, l’engagement social de l’église épiscopale d’Haïti lui fait accuser une croissance, disons-nous, apparente. La mission première de l’Église ne se limite pas au niveau social. L’attitude de Jésus vis-à-vis de la foule qui le suivait jusqu'à Capharnaüm non parce qu’ils avaient confiance en lui mais parce qu’ils avaient mangé à leur faim lors de la multiplication des pains (Jn 6,26) en illustre. 

Cette thèse se veut une description de l’état réel et actuel de la liturgie de l’église épiscopale d’Haïti ; elle se veut également la création d’un espace pour un débat liturgique, l’espace qui ne tombera pas du ciel mais qu’il faut, à tout prix, créer.  


 















CHAPITRE II

La relation entre culte et culture à partir d’une perspective haïtienne

 Il est plus facile de changer la culture que la nature. Il est toutefois difficile de changer la culture du fait qu'elle ressemble à la nature.

                   Aristote, Éthique à Nicomaque, VII-10.

D’entrée de jeu, laissez-moi préciser que l’histoire de la culture haïtienne n’est pas, en raison des successions africaines, espagnoles, françaises et américaines, un thème que nous pouvons traiter dans tous ses aspects dans une thèse de maitrise. Cependant, il est possible de présenter quelques aspects de la vie nationale qui revêtent d’une importance primordiale en ce qui a trait à l’évolution culturelle du peuple haïtien. 

Comme disait l’autre, il n’y a aucun peuple sans culture. Cela sous-tend que celle-ci est commune à tous les peuples. Les anthropologues admettent volontiers qu’on accède à la culture, personne ne naît cultivé. La notion “culture” désigne l’ensemble des connaissances et des comportements techniques, sociaux, rituels et religieux qui caractérisent une société humaine donnée. Donc, cela sous-tend qu’il ne peut exister d’homme sans la culture, puisque le concept désigne précisément le monde de l’homme. C’est en ce sens qu’en 2007, dans un appel lancé au cours de la journée internationale de la culture à la jeunesse africaine, Munda Nsemi a martelé : “ Aucun peuple ne peut se développer harmonieusement en utilisant des langues importées et des religions étrangères à son génie culturel. Car tout peuple coupé de son passé, de sa langue, de son génie, de ses ancêtres, de sa religion traditionnelle, est comme un arbre déraciné. Tôt ou tard, ce peuple fanera et sombrera dans le vide qui facilite toutes les dominations

Pour le bien de notre thèse, nous utiliserons la définition proposée par l’UNESCO pour la culture. Elle la définit ainsi : “La culture est ce qui donne aux hommes la capacité de réflexion sur eux-mêmes. C'est elle qui fait d’eux des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et éthiquement engagés. C'est par elle qu’ils discernent des valeurs et effectuent des choix. C'est par elle qu’ils  s’expriment, prennent conscience d’eux-mêmes, se reconnaissent comme un projet inachevé, remettent en question leurs propres réalisations, recherchent inlassablement de nouvelles significations et créent des œuvres qui les transcendent...” 

Il est une réalité que le vodou, culte africain réélaboré et pratiqué durant la période esclavagiste, constitue un élément clé de la culture haïtienne. Comme disait le père Yves Edmond, le vodou est (bien que victime de persécution de la part premièrement des maîtres esclavagistes qui ne voyaient dans ses pratiques barbares des survivances des peuples non civilisés d’où sont tirés les esclaves, pratiques menaçantes pour la sécurité même du système en place, et ensuite les divers personnages qui vont succéder à la tête du nouvel état noir, qui voulaient “ blanchir ” la culture haïtienne, objet de railleries de la part des observateurs extérieurs) le ciment de la société haïtienne. C’est le résultat de croyances des divers peuples arrachés des terres d’Afrique qui ont traversé les mers pour cultiver, au prix d’atroces souffrances les sols d’Haïti. Il intègre non seulement certaines pratiques des premiers habitants de l’île, emprunte beaucoup au catholicisme, avant d’être reconnu comme une religion à part entière d’Haïti, mais aussi s'est mêlé à tous les aspects culturel, économique et politique du pays. Les emprunts du vodou au catholicisme laissent comprendre que les deux religions (christianisme et vodou) peuvent cohabiter. Chaque peuple a son mode de vie et sa vision cosmique. Pour les haïtiens, ces valeurs sont caractérisées par le vodou, lequel selon Fritz Fontus, offre une vue neuve sur l’héritage africain en Haïti. Le pouvoir de la parole, l'importance du nom, la conception du temps, le poids du communautaire, le culte de l'autorité sont autant d'exemples qui attestent le niveau mythique de la culture haïtienne qu'on pourrait retrouver chez n'importe quel haïtien toutes classes sociales confondues

Le vodou tire son origine de l’Afrique et, dans la langue fon, signifie “esprit, divinité ”. Il s’est par la suite développé en Haïti où les esclaves, la nuit tombée, entonnaient des chants et exécutaient des danses en l’honneur des esprits. Pour les esclaves, ce culte était un lieu de refuge, un endroit où ils pouvaient se ressourcer. Comme le créole, le vodou est un langage secret dont les esclaves se servaient entre eux pour communiquer et pour retrouver un peu de dignité. C’est d’ailleurs lors d’une célèbre messe intitulée “Cérémonie du Bois Caïman” que les esclaves, galvanisés par la danse et la communion avec les esprits ou Loa (lwa) auraient trouvé la force de se révolter en 1791 contre l’esclavage. Sous la présidence de Jean Bertrand Aristide, en 2001, après plus de 300 ans de pratique par une population, le vodou est reconnu comme une religion à part entière d’Haïti. Selon Yves Edmond, plus qu’une religion, le vodou est intimement lié à la culture haïtienne. Etant déracinés et humiliés, étrangers les uns par rapport aux autres, ne parlant pas une même langue,  il ne restait aux esclaves dont la liberté était entravée qu’une chose en commun: leur croyance. Car, les maîtres esclavagistes ne pouvaient contrôler leur pensée, et à chaque instant leur croyance, leurs dieux étaient présents dans leur esprit, ils formaient un seul et unique corps. Voilà ce qui a permis en 1791, lors de la “Cérémonie du Bois Caïman”, aux esclaves de planifier leur révolte et, en même temps invoquer les esprits pour qu’ils les protègent et les conduisent à la victoire contre les maitres esclavagistes.


  

  1. Le vodou, la langue créole et les danses : trois aspects culturels du peuple haïtien

Il est indiscutable que le vodou a joué un rôle extraordinaire dans la révolte des esclaves. Les leaders charismatiques du vodou tels que Makandal, Hyacinthe, Boukman, Biassou conciliaient deux fonctions : L’une militaire, l’autre religieuse. Ces héros qui ont conduit les esclaves à la libération et ainsi créé la première république noire, libre et indépendante du monde, Haïti, se sont-ils aperçu que pour convaincre les esclaves il fallait avant tout faire partie intégrante de leur culte. Makandal, musulman de naissance, était à l'origine de la célèbre “Cérémonie du Bois Caïman”, cérémonie qui donnera aux esclaves toute l'énergie nécessaire pour déclencher la lutte qui les conduira sur les chemins de la liberté. Selon Pierre Pluchon, historien Français, Makandal était un redoutable empoisonneur qui se servait des colporteurs pour répandre ses poisons de part et d'autre de l'île. Il apporta le courage manquant à certains de ces futurs guerriers en leur faisant croire que les balles des blancs ne pouvaient pas les atteindre. Toussaint Louverture était un guérisseur, il avait la science des plantes et il connaissait l'écriture. Aujourd'hui, il est l'un des dieux qui composent certains “oufô” (temple vodou) en Haïti. Donc, le vodou devint l’élément catalyseur qui va vite transformer la résistance individuelle en une résistance collective. On reproche aujourd’hui au vodou son manque d’implication dans l’épanouissement de l’homme haïtien mais ses apports et l’impression de sa marque sur la culture haïtienne sont incontestables. 

Le créole est une langue chantante, d'une sonorité très agréable pour celui qui l'écoute. Pas toujours facile à comprendre, mais pourtant, en prenant comme base le français, on peut lier amitié aux créolophones. Le créole est un mot d’origine espagnole signifiant élevés ici”. Selon Alfred Largange, “le créole est une  “langue orale” apparue au cours du XVIIe siècle lors de la colonisation de communautés isolées, et presque toujours insulaires, dans lesquelles existait un rapport de force très inégal entre une classe dominante et une classe dominée”. Dans sa quasi totalité, et quel que soit le lieu de son apparition, le créole est basé sur les mots de la langue de la classe dominante auxquels se sont ajoutés des emprunts aux langues des différentes ethnies colonisées. 

Avant 1987, toutes les constitutions haïtiennes ignoraient l’existence de la langue créole. Il fallait attendre la dernière constitution, (1987) bien que déjà moribonde, pour reconnaître non seulement l’existence de cette langue mais aussi la rendre Co-officielle au français et ainsi donner un peu d’espace au peuple haïtien dont la majorité n’a que le créole comme langue pour s’exprimer. Cependant, il est important de remarquer que l’article reconnaît le créole comme langue maternelle et le français langue officielle (de l’enseignement et du travail). Le français, dans les sphères politiques, était stratégiquement utilisé par les gouvernements qui se sont succédé en Haïti pour maintenir la masse hors des activités politiques. Considérant l’étroite relation qui caractérisait l’église catholique romaine et l’état haïtien, cette même situation se passe à l’intérieur de l’église où pendant longtemps les messes étaient en latin et ensuite en français. Deux langues que la majorité des haïtiens ne parle ni comprenne mais utilisées au détriment du créole, langue inévitable pour l’unité nationale et pour un vrai “vécu” de la foi dans le contexte haïtien. Heureusement, peut-on dire, que le créole jadis considéré comme la langue des pauvres et des asservis, et donc banni dans la haute société, a conquis aujourd'hui ses lettres de noblesse, il a été utilisé pour la première fois à l’ONU par le président Jean Bertrand Aristide (l’ancien prêtre charismatique de St Jean Bosco) et s'épanouit depuis plusieurs décennies dans la chanson, l'humour, le théâtre et la littérature. Bien qu'il soit très peu utilisé dans les relations de travail et pas du tout dans les actes officiels et les relations internationales, le créole est bien la langue maternelle parlée et comprise des haïtiens. Il est couramment, voire exclusivement, utilisé dans la vie quotidienne par la grande majorité des haïtiens. Le créole doit être préservé et continuer d'être utilisé, non comme un élément folklorique, mais comme un patrimoine chargé de sens et d'histoire, permettant d'exprimer et de faire connaître la spécificité de la culture haïtienne. D’où notre motif principal dans cette thèse. Notre église épiscopale, bien qu’elle ait donné le ton lors de son bicentenaire (1961), n’a pas encore saisi complètement l’importance du créole dans sa liturgie. Nous sommes, cependant, conscients de l’enjeu. Le créole n'ayant pas le pouvoir de grande communication que possède le français, (ou l'anglais, l'espagnol, le portugais), il serait suicidaire d'enfermer les haïtiens dans une "créolophonie" qui bornerait leur horizon aux frontière de l'île. L’option n’est pas à choisir entre le créole ou le français. Il est nécessaire d’opter pour les deux sans aucune prétention d’infériorité. Il y va de la préservation même de notre patrimoine culturel. Car, selon Auguste Bazerque, contrairement à ce qu’affirment certains linguistes, dans le but de donner au français le rôle exclusif dans la formation du créole, les Africains n’ont pas oublié leurs langues en arrivant dans les colonies ainsi que leurs religions. Il laisse comprendre que le créole aussi bien que le vodou est arrivé avec les africains et que les deux constituent la base même de notre culture nationale. 

Le vodou arrivait en Haïti avec sa musique, ses chansons, ses rituels et ses danses lesquels, malgré la présence de l’élément mystique, apportaient aux haïtiens pour leur versatilité, beauté et richesse de mouvements. Connaissant nos racines africaines, nous savons que les africains ne chantent pas pour qu’on les écoute, ne dansent pas pour qu’on les observe comme on dit en anglais one man show. Le peuple africain chante et danse parce qu’encore sa versatilité provient du rythme et, le rythme c’est son équilibre. Tout cela imprime sa marque dans les rythmes et les traditions haïtiennes. Par exemple, il est coutumier dans les “coumbites” que les haïtiens utilisent des tambours afin d’attirer sur eux plus d’énergie et plus de motivation pour le travail. En plus de ça, le tambour est une marque culturelle africaine. Selon le Dr. Jean Price Mars, pour faire fructifier la culture haïtienne, nous n’avons pas à rougir de l’Afrique. C’est le berceau de notre culture. Ici, nous pouvons reprendre et commenter la dernière parole prononcée par Toussaint Louverture lors de son embarquement pour Fort-de-Joux en France : “En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des Noirs; mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses.” Nombreuses dans le sens que la liberté était déjà une nécessité collective pour tous les esclaves, les actions étaient solidaires au point qu`ils étaient, pour répéter le mot d’ordre du père de la patrie Jean-Jacques Dessalines, prêts à “Vivre libres ou mourir”. Moi, personnellement j’interprète cette dernière parole de Toussaint, bien qu`à un niveau moindre, comme celle de Jésus lors de l’institution de l’eucharistie “…faites-le en mémoire de moi…”. Parce que l’idéal de Toussaint était de voir que tous les hommes particulièrement les esclaves soient libérés de toutes formes d’oppression. C`est peut-être le sens de “Liberté, Egalité, Fraternité” dans le drapeau haïtien. Et, cette interprétation est peut-être osée mais la mort de Toussaint a quelques similarités à celle de Jésus. Les deux furent mis à mort pour s’être montrés du coté des défavorisés, des esclaves, des dépourvus et des maltraités, et, les deux furent arrêtés et tués par la classe oppressante. D’où, il n’est pas sans fondement que Toussaint soit l’un des dieux du vodou haïtien de nos jours, de même que Jésus soit ce qu’il est pour nous les chrétiens de tous les temps.             

La musique a toujours accompagné l’homme depuis la nuit des temps. Elle aide à exprimer la joie (Genèse 31: 27 ; Juges 11 :34-35, Luc 15 :25), la tristesse (2 Samuel 1 :7, Jean 11 :35), la solennité, la joie (Luc 10 :21), L'émotion (Matthieu 9:36), la compassion (1 Pierre 3:8), la reconnaissance (Colossiens 3:15), l’amour (Marc 10:21) et toutes sortes de sentiments. La musique et la danse sont étroitement liées à l’évolution humaine. A l’opposé de la littérature, réservée à une minorité, la musique est l’art populaire par excellence en Haïti. On trouve en Haïti à l'heure actuelle deux courants principaux: les rythmes africains introduits par les esclaves sous le nom de musique "racines" mais aussi le "meringue" dominicain mais avec un rythme plus lent.

Grâce à la vitalité du vodou, inspirateur de la musique "racines" et à l'indépendance politique du pays (elle a permis aux artisans d'évoluer indépendamment des grands courants musicaux mondiaux), la musique haïtienne porte haut les couleurs des Caraïbes et constituait une exception dans le monde francophone caribéen avant que n'émergent les formations Zouk dans les Antilles françaises. À partir des années 80, des musiciens se sont à nouveau penchés sur les musiques rurales, imprégnées de vaudou. Ils y ont puisé une partie de leur inspiration et donné naissance à la musique “racines” qui fait la part belle aux instruments traditionnels culturels, en particulier aux tambours et à la langue créole. 

Durant la dictature des Duvalier (Papa & Baby Doc), la musique haïtienne allait se transformer pour devenir une musique engagée dans la dénonciation des dérives duvaliéristes. Après le départ des Duvalier, l’acculturation a produit deux courants musicaux qui se distinguent. Le premier d'inspiration folk réhabilite et modernise la tradition des troubadours, l'autre ancré dans la culture vodou remet à l'avant-scène l'intensité et la magie du monde rural. Comme sa peinture, la musique haïtienne dégage une énorme vitalité. Cette vitalité se manifeste à travers la danse, l’expression par laquelle l’homme communique des sensations ou des sentiments par d’autre biais que la parole et l’écriture. 

 

  1. La relation Eglise-culture dans une perspective d’inculturation de l’Évangile en Haïti. La dynamique épiscopale  

En Haïti, comme ailleurs, les efforts vers une version inculturée de l’existence demeurent encore conditionnées par le lourd héritage religieux gréco-romain. Les chrétiens agissent parfois comme s’ils appartenaient à une église quasi-céleste donnant ainsi l’impression d’une peur bleue de l’histoire comme elle se présente. Selon William Smart, en Haïti, l’intérêt de l’église pour la culture est récent. L’église épiscopale, pour répéter Mgr Sebastião Armando Gameleira Soares, évêque du diocèse de Pelotas (Brésil) est “une église timide”. Cette timidité jointe à une présence relativement “minoritaire” en Amérique Latine et les Caraïbes face à une église catholique romaine “supposément” reconnue comme “majoritaire” dans tout le continent, a longtemps maintenu les efforts de l’église épiscopale haïtienne pour la promotion de la culture haïtienne inconnus du grand public (cf. chapitre 1er de notre thèse).

De colonie esclavagiste, Haïti passe à partir du 1er janvier 1804, après une guerre extrêmement meurtrière contre les armées de Napoléon, à la condition d'un État libre et indépendant. Jusqu’en 1860, l’église catholique, l’unique alors reconnue d’utilité publique, était très liée aux différents gouvernements établis dans le pays. Le 28 mars 1860, à travers la signature du Concordat entre le Vatican et l’état haïtien, Haïti semblait indirectement vouloir prendre le chemin de “la “Civilisation”. Philipe Delisle à travers son livre “Le catholicisme en Haïti au XIXe siècle. Le rêve d'une “Bretagne noire” montre, en s'appuyant sur les archives des diverses congrégations établies dans le pays, comment le clergé s’était dévoué à créer des églises et des chapelles à travers tout le pays et à prendre en charge, à la place de l'État, la production d'une élite à travers des écoles congréganistes. Mais, pour répéter encore Philippe Delisle, “[…] En prétendant détenir le monopole religieux dans le pays, l'église catholique romaine se comportait comme un État dans l'État. En effet, elle s'engage dans “une logique de guerre avec le protestantisme” stigmatisé comme hérésie, puis, de manière intermittente, développe des croisades contre le vaudou assimilé à des pratiques d'orgies et de sorcellerie et, enfin, elle poursuit, tout au long du xixe siècle, sa persécution de la franc-maçonnerie, malgré les déclarations de nombreux membres des élites intellectuelles et politiques d'être, à la fois, catholiques et francs-maçons”. Moreau de St. Méry suivi d’autres écrivains haïtiens tout le long du XXème siècle, décrivant le rite du serpent, emploient le mot “vodou” pour englober l’organisation culturelle et religieuse du peuple haïtien. Ainsi, certains spécialistes du vodou pensent que l’illusion est de part et d’autres. D’abord, certains étrangers limitent la culture haïtienne à la pratique du vodou, culte maléfique où sorcellerie et cannibalisme seraient monnaie courante.  Ensuite, certains haïtiens, bien qu’ils recourent [quand le besoin se fait sentir] au vodou, mais en fonction de l’éducation reçue dans les écoles congréganistes et/ou par crainte d’être sanctionnés par les autorités ecclésiales, ignorent que le vodou constitue la base même de la culture haïtienne. L’anthropologue Laennec Hurbon et l’historien Michel Soukar pensent que cette idée remonte au temps de la colonie où, selon les vœux des maitres esclavagistes, les esclaves allaient le jour à l’église catholique et, la nuit tombée, se réunissaient pour un culte propre à Dieu, selon leur croyance originale dont le vodou symbolise. La culture haïtienne africaine a été sous-estimée, selon Laennec, en vue de faire d’Haïti, la première république noire, libre et indépendante du monde, l’exemple à ne pas suivre, l’esclavage et la colonisation fonctionnant encore dans les trois Amériques. Dans cette deuxième catégorie, après la guerre qui a fait d’Haïti un état libre et indépendant en 1804, se trouvait l’Église (toutes dénominations confondues) qui, par la création d’une élite intellectuelle à travers ses écoles, conduisait la nouvelle nation vers “la civilisation”. Civilisation était alors comprise comme synonyme de la mise en pratique d’une liturgie étrangère dont les marques culturelles étaient soit, à travers le catholicisme romain, occidentale ou, plus tard à travers le protestantisme nord américain, Anglo-Saxonne, oubliant ainsi qu’il n’y a aucune liturgie qui se célèbre dans un vide culturel. Tout est produit d’un système culturel. Michel Soukar fait remarquer également que la pluralité des pratiques religieuses dans le pays contribuait à une forte contradiction entre ces religions chrétiennes et le vodou qui s’inscrit dans un contexte de dévalorisation, une schizophrénie culturelle du peuple haïtien. Mais aussi dans une polémique qui s’enracine dans l’intolérance et le fanatisme religieux propres à certaines propagandes chrétiennes et où, traditionnellement, on oppose religion du progrès, religion civilisée, à religion primitive, à magie, sorcellerie, bref, le vrai Dieu, au diable, au démon (dont les Loas).  

Dans certaines civilisations, culte et culture ne se différencient pas. L’une exprime l’autre, l’une s’exprime au moyen de l’autre. Mais, dans l’expérience haïtienne, on établit un parallèle laissant comprendre que seul le culte ecclésial peut définir son rapport avec le sacré. Tous les autres ne sont que des pratiques profanes ou païennes comme on dit couramment en Haïti.

La culture est “un style de vie” par lequel un peuple cherche à établir son identité au sein des réalités qu’il croit exister dans son monde, définir le but de sa vie ainsi que les moyens pour l’atteindre. Ces moyens sont, entre autres, les institutions sociales, les structures, les systèmes de valeurs, les croyances religieuses, les pratiques, les langues etc. Jean Bacon reprend un titre cher au frère Francklin de Pazzis, pour dire que l’église d’Haïti doit se faire “paysan avec les paysans” à travers non seulement le soulèvement de l’identité noire mais également celui d’un “Évangile transformé” au contact de la culture locale, créole et vaudou. Et, face à des gouvernements qui, depuis toujours, abandonnent les paysans à leur propre sort, l’église, en raison de sa présence remarquable et mieux organisée que l’état dans tous les coins du pays, a d’énormes possibilités d’être la porte-parole de la culture haïtienne. La mission de l’église ne se limite plus, comme aux temps de la colonisation, à gagner du terrain comme une entreprise multinationale ou à gagner des âmes pour Christ à travers l’éradication de la superstition par la violence comme c’était le cas Haïti après la signature du Concordat en 1860. Aujourd’hui, pour paraphraser Jean Bacon, l’église en Haïti doit marquer son existence dans la culture locale, créole et vodou du peuple haïtien et, ainsi à travers un processus de promotion, se faire porte-parole de cette culture. Elle sera plus significative dans la vie quotidienne de l’haïtien.

Comme tout autre peuple latino-américain et caribéen, le peuple haïtien a sa propre vision de l’évangélisation. Selon Jean Bacon, cette vision ne peut se matérialiser sans le vodou, qui a constitué trop longtemps pour plusieurs “en Haïti et dans les églises (...) un problème, voire une honte”. Donner au vodou sa vraie place dans la culture haïtienne devient, selon Gesner Joint, “un moyen de mieux pénétrer l'âme haïtienne et de mieux comprendre ses aspirations par rapport à la foi chrétienne”. Claude Michel, dans son livre “Aspects éducatifs et moraux du vaudou haïtien (1995)” montre qu’il existe dans le vaudou des éléments de vérité, des valeurs humaines, morales, religieuses et sociales (le sens de la famille, les valeurs artistiques, le respect de l'écologie et les connaissances médicinales). Pour répéter pape Jean-Paul II, “une inculturation qui n'est pas seulement de surface doit prendre en compte ces valeurs” et les intégrer dans la liturgie. Ainsi, l’église serait plus significative et plus coercitive dans ses sphères pastorales et sociales, plus significative dans la construction de l’œcuménisme en Haïti et mieux engagée dans l’élaboration d’une théologie haïtienne. Toute expérience religieuse passe avant tout par l'acceptation de sa propre histoire. Donc, si l'Évangile peut transformer la culture, le contraire peut être aussi vrai. 

La formation de la culture haïtienne fortement marquée par son origine africaine, avec quelques facteurs de la culture française et des peuples espagnols et d'Amérique du Nord qui nous entourent, crée des ambigüités. Du point de vue linguistique, le créole est très limité dans la communication avec les pays environnants et, son importance dans la liturgie n’est pas encore complètement saisie. Il est une réalité presque commune à toutes les anciennes colonies françaises, la langue colonisatrice n’a pas réussi à éradiquer les langues traditionnelles, et, dans le cas d’Haïti le français s’apprend à l’école, plus bien au niveau supérieur. Vu le niveau d’analphabétisme qu’accuse le pays, il n’est un secret pour personne que la langue réelle du peuple haïtien est le créole. Nous avons déjà montré qu’on ne peut limiter le peuple à une “creolophonie”, mais, dans le cadre d’une perspective ou d’un modèle d’évangélisation noir dans la “Communion Anglicane”, le diocèse d’Haïti, le plus grand de toute l’église épiscopale américaine (ECUSA), pourrait se joindre aux autres Antilles franco-créolophones en vue de conjuguer leurs efforts vers la création d’une “liturgie créole” imprégnée de nos marques culturelles africaines communes. Ce sera une claire démonstration de notre maturité comme église qu’à l’instar de Jésus et de l’Eglise Primitive nous pouvons transmettre la Bonne Nouvelle du Royaume dans notre langue réelle, selon la culture de notre peuple et de notre temps. Car, “si l’esprit de la Pentecôte a élargi les frontières de la mission évangélique aux dimensions du monde, il n’a cependant pas détruit les limites des nations, ni les différences des cultures ; il n’a pas uniformisé l’église. Le récit de la Pentecôte montre bien que c’est l’esprit qui s’est adapté à la culture, à la langue des différents peuples”. La confusion, à première vue, que présente le récit de la Pentecôte veut justement montrer que le même Esprit peut unir tous les peuples dans le seul et l’unique Royaume du seul Dieu qui est père de tous. 

L’inculturation est partout le centre de l’actuelle forme d’évangélisation. Selon le jésuite haïtien Fritz Wolf, pour inculturer l’Évangile dans la culture haïtienne, il importe de lui faire pénétrer de l’intérieur la manière de penser, de vivre, de sentir les choses de l’haïtien, sa vision du monde, son langage, ses gestes, son système de valeur, son rite, sa religion comme peuple. La mission de l’église même lui fait cette obligation : chercher dans les cultures les “semina verbi” à partir des quels il importe d’aider le peuple de Dieu à “se recréer dans le mystère chrétien à partir de sa Cosmovision, de contempler le Verbe de Dieu à partir de sa vision, de le toucher de ses mains à travers ses gestes, ses danses, sa manière de prier et de célébrer le Verbe fait homme”. Ainsi, l’église (toutes dénominations confondues) embrassera la réalité du peuple haïtien dans son processus de développement, sa soif de justice, d’une démocratie participative, d’unité, de solidarité et dans la recherche de l’affirmation de son identité; également aidera le peuple à mieux comprendre le message de l’Ascension où Dieu refuse que son peuple vive dans les nuages, en dehors de l’histoire mais  qu’il garde et attende, sur les chemins de l’histoire, le Christ Ressuscité (Ac. 1, 11-12).

Fritz Fontus, Laennec Hurbon et Philippe Delisle sont des auteurs haïtiens qui écrivent beaucoup sur le phénomène religieux et culturel en Haïti. Le premier montre, dans son ouvrage “Les Églises protestantes en Haïti. Communication et inculturation. Préface de Jean-Claude Margot. Paris, L'Harmattan, coll. « Religion et sciences humaines », 2001, 172 p”, que  la conversion de beaucoup d’haïtiens au protestantisme est partiel. Parmi les convertis, 13,5 % retournent au vaudou occasionnellement, ce qui conduit à penser qu'au fond les protestants vivent une crise profonde lors de leur conversion et se sentent “dans un monde étranger”  quand ils sont mis en contact avec l'Évangile. Peut-on penser qu’une Eglise, au vrai sens du terme, en Haïti dépend de la libération du vodou? Gesner Joint partage, à travers son livre Libération du vaudou dans la dynamique d'inculturation en Haïti, ce point de vue. C’est cette dynamique que Paul a su utiliser aux croyants athéniens et qui lui a permis l’évangélisation de ce peuple. Dans le cadre d’une relecture populaire de ce récit, l’église haïtienne peut trouver comment inculturer l’évangile dans le contexte des croyants haïtiens. Ainsi, les convertis se sentiront à l'aise dans leur culture et dans leur embrassement de la foi chrétienne. Philippe Delisle décrit, dans son livre “Le catholicisme en Haïti au XIXe siècle. Le rêve d'une « Bretagne noire » (1860-1915), Paris, Karthala, 2003, 188 p.”, le fonctionnement du catholicisme tout au long du XIXe siècle dans une lutte acharnée pour l’éradication du vodou pour faire accéder le pays à “la” Civilisation”. Tandis que, pour le protestantisme, il s'agissait de passer à une phase de développement exigée par la modernité qui implique un système scolaire, un mode de vie décent et, donc, une sortie de la pauvreté, un sens de l'État de droit que le vaudou est impuissant à fournir à la société haïtienne.

En 1961, l’épiscopalisme haïtien célébrait son centenaire avec un éclat folklorique qui marquera à jamais l’histoire de l’inculturation de l’évangile en Haïti. Un groupe de noirs fuyant le racisme et la guerre civile aux Etats-Unis arrivèrent et implantèrent l’épiscopalisme en Haïti en 1861. Ce contexte historique même révèle qu’une classe sociale, à un moment donné de la durée, cherchait et voulait afficher son identité. Cet engouement a conduit les premiers missionnaires, à leur arrivée, à se familiariser à l’une des institutions clés d’Haïti: La loge maçonnique. 

Tous les théologiens sont unanimes à reconnaître que le concile Vatican II a, à la suite de la Reforme protestante, changé beaucoup de choses non seulement dans la vie de l’église catholique romaine mais aussi dans la vie des autres dénominations chrétiennes. Fixez-vous bien que le centenaire de l’épiscopalisme haïtien précédait la convocation même du concile. Et, c’est au cours de ce centenaire qu’une église ait pu montrer aux yeux de tous que la culture locale, l’art et le créole haïtien peuvent, autant que la culture occidentale et la langue latine, louer le grand Dieu Trinitaire. Cette marque reste, près d’un demi-siècle après, comme un début dont les suites se font encore attendre. Cette thèse veut être une marque dans les suites qui doivent, coute que coute, être données.

En guise de résumé, rappelons-nous qu’Haïti est un pays bilingue, mais pas comme la Suisse, ou comme le Canada où deux éléments différents parlent deux langues différentes ; non plus comme le Porto-Rico où l’on parle indifféremment l’anglais et l’espagnol. En Haïti la frontière entre les deux langues (créole et français) n’est pas géographique mais sociale ; par conséquent, traite d’une différence de classe et d’éducation. Le créole est la langue vernaculaire, l’instrument premier de communication entre tous les haïtiens du pays. La formation de la langue créole haïtienne est un mélange du français des colons qui s’établirent dans les Antilles comme la Martinique, la Guadeloupe et Haïti. Au contenu basique du français s’ajoute une influence espagnole qui procède de la première occupation de cette île par les espagnols. Mais, le créole possède sa propre structure grammaticale et un vocabulaire assez riche. D’où, le linguiste haïtien Jules Faine a même intitulé l’un de ses livres “philosophie créole” et l’illustre professeur étatsunien Robert A Hall, Jr, a écrit un excellent livre sur le créole haïtien. Tout cela montre la spécificité de la culture haïtienne. La colonisation a, en Amérique Latine et d’autre part, réussi à déraciner et substituer une langue par une autre. Dans le cas d’Haïti, la colonisation française n’a pas réussi ce coup ; elle n’a pas réduit les esclaves au monolinguisme. Mais, même après l’indépendance haïtienne le 1er janvier 1804, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la nation avaient tenté de soumettre la langue créole haïtienne au même processus colonial. Donc, l’ignorance du créole a été au plus haut niveau de l’état. Papa Doc, dans un de ses discours radiodiffusés, disait qu’il ne connaissait pas le créole. Nous sommes aujourd’hui, heureusement, loin de cette période. Le créole est en pleine ascension, diminuant ainsi l’influence ou l’importance du français dans les différents domaines. Aujourd’hui, beaucoup d’hommes politiques en vue sur la scène nationale s’y sont mis finalement pour préserver leurs chances de trouver auditeurs à leurs messages. A plus forte raison, cela doit être l’intention de l’église. C’est à ce titre qu’elle saura s’élever à la hauteur des droits de l’homme et de sa mission.  





CHAPITRE III

Le mystère de l’incarnation et la pâque judéo-chrétienne: deux axes fondamentaux pour comprendre la mission de l’Église et l’inculturation liturgique

N'allez pas croire que je sois venu
abolir la loi et les Prophètes,
je ne suis pas venu abolir,
mais accomplir.

                                           Mt 5,17


  1. Inculturation de la liturgie : Un appel à boire de son propre puits

Le terme “inculturation” est un néologisme employé officiellement pour la première fois en 1977 dans le Message du synode des évêques sur la catéchèse et souvent repris, après Paul VI, par Jean-Paul II. Ce concept suppose un double mouvement réciproque : il désigne à la fois l’apport et l’enrichissement que les diverses cultures peuvent apporter à l’expression de la foi chrétienne, et ce que le mystère même du christianisme apporte à chacun, en ne s’identifiant à aucune. Certains théologiens considèrent que le terme, en se basant sur le discours de Paul aux Athéniens au milieu de l’Aréopage, est antérieur tant à Paul VI qu’à Jean-Paul II. Mais en fait, le concept “inculturation” est une conquête récente. C’est une dynamique à travers laquelle le message évangélique et la doctrine chrétienne entrent dans les langues et dans les cultures locales pour atteindre de façon adéquate les destinataires de la Bonne Nouvelle. Depuis plusieurs années, les études sur l’inculturation fleurissent sans précédent. Ce fleurissement pousse certains théologiens à se demander si une telle dynamique a été une priorité pour l’Eglise du premier millénaire. A ce doute, Monsieur Bruno Luiselli, professeur de littérature latine, montre à travers son livre “L’inculturation au cours du premier millénaire” que beaucoup d’aspects et de dynamiques du christianisme du Ier siècle n’étaient autre que de l’inculturation. Il n’y avait pas, dit-il, autant de théories sur l’inculturation qu’il y a d’aujourd’hui mais c’était de toute évidence une nécessité. Les théologiens modernes préfèrent parler en lieu et place de l’inculturation de Kénoses, la façon dont la culture et l’évangile doivent entrer dans une relation dynamique et fructueuse. L’Eglise doit essayer de découvrir dans la culture et de voir en elle comment les similarités avec l'Évangile peuvent être utiles en vue de mieux encrer l'Évangile aux valeurs, aux symboles et aux attentes profondes du peuple à évangéliser. D’où, la culture et l’évangile se complètent. Le processus semble avoir un double mouvement. L’Evangile demeure Bonne Nouvelle tout en devenant un phénomène culturel par son adaptation et intégration du système culturel en question. En même temps elle donne à cette culture la connaissance du mystère divin tout en lui permettant d'apporter à la vie chrétienne, à partir de sa propre tradition vivante, des expressions originales que l'Évangile n'avait encore jamais exprimées. Selon J. Bacon, l’inculturation est le nouveau nom que prend le discours interreligieux. Cela nous aide à comprendre que l’inculturation dépasse très loin une simple adaptation. Lors de la visite du pape Jean-Paul II au Cameroun en septembre 1995, un citoyen a martelé :  

“Il est urgent que le dialogue entre le christianisme et la religion traditionnelle soit activé, pour l’unification du fidèle chrétien en terre africaine et pour l’épanouissement des aspects les plus nobles de la foi de nos pères. Ainsi l’Afrique sera une chance pour le christianisme, et le christianisme une chance pour l’Afrique”.  

L’une des caractéristiques par excellence de la communion anglicane est que chaque église locale trouve son propre visage. La vie quotidienne de Jésus s'est inscrite dans le cadre de l’obéissance à la loi juive et l’observance des pratiques populaires de son temps. En faisant les démarches aboutissant à un baptême dont le rite d’immersion complète était fort populaire, Jésus révèle lui-même sa solidarité avec les hommes et les femmes de son temps qui veulent se purifier, afin d'être prêts à accueillir le Messie dont ils croyaient la venue imminente. 

Durant les périodes de la colonisation, les langues européennes (français, anglais, allemand) étaient conçues comme les langues de “la “Civilisation” et langues que Dieu aurait utilisées pour parle aux gens de la terre. Diminuant ainsi le sens du phénomène qui s’est produit lors de la Pentecôte. C’est l’esprit-Saint qui s’est adapté aux différentes cultures de la terre. Donc, comme il est dit dans le 24e “Article de Religion” du Livre de la Prière Commune (LPC) de 1789, faire des prières publiques dans l’Eglise ou d’administrer les sacrements dans une langue que le peuple ne comprenne pas est contraire à la parole de Dieu et à l’usage de l’Eglise Primitive” . C’est un retour à l’Eglise Primitive où la liturgie chrétienne était aussi un espace de plein épanouissement pour l’homme en fonction spécifique de ses coutumes et traditions. A propos des traditions, le 34e “Article de Religion” du même livre  stipule: 

“Il n’est point nécessaire que les Traditions et les cérémonies de l’Eglise soient partout les mêmes et entièrement conformes, car elles ont été diverses en tout temps et elles peuvent être changées selon la diversité des pays, des temps et des mœurs, pourvu qu’on n’établisse rien de contraire à la parole de Dieu. Quiconque par son propre jugement, volontairement et à dessein, viole ouvertement les Traditions et les cérémonies de l’Eglise, qui ne sont pas contraire à la parole de Dieu et qui sont établies et approuvées par l’autorité générale, doit, afin que d’autres craignent de suivre son exemple, être repris publiquement comme une personne qui prêche selon l’ordre public de l’Eglise, qui porte atteinte à l’autorité du Magistrat et qui blesse les consciences des faibles. Chaque Eglise particulière ou nationale a le pouvoir d’établir, de changer et d’abolir les cérémonies ou les rites de l’Eglise, qui ne sont que d’institution humaine pourvu que tout se fasse à l’édification générale”.


  1. La Pâque judéo-chrétienne : Une histoire d’inculturations

Les judéo-chrétiens étaient des juifs dont la culture spécifique mûrissait en eux par l’audition des textes transmis par la tradition et les différents livres de la Bible. L’année liturgique chrétienne est rythmée par des fêtes dont la plus importante est la Pâque. Avant d’être une fête chrétienne, elle était une fête culturelle juive. Les synoptiques situent la mort de Jésus le jour des Pâques contrairement à Jean qui la situe au lendemain, jour du sabbat. L’important ne se situe pas à ce niveau mais plutôt c’est de montrer que la mort et la résurrection de Jésus se trouvent associées à la fête des Pâques qui va devenir la fête chrétienne par excellence. Quand les chrétiens ont commencé à célébrer annuellement la fête de la Résurrection du Christ, ils l’ont certainement associée à la pâque juive. Car au 1er siècle, le christianisme faisait partie du judaïsme du second Temple. A noter qu’il y a une distinction entre la pâque juive et les Pâques chrétiennes. L’une au singulier et l’autre au pluriel. Si pour une question de date et de signification les deux fêtes ne sont pas toujours unanimes, il faut cependant reconnaitre que la pâque juive a largement influencé les pâques chrétiennes.  

Dans toutes les religions, la fête est un élément essentiel du culte : les fidèles font ainsi hommage de tel ou tel aspect de la vie humaine et implorent la faveur de la divinité. Ce qui caractérise la fête dans la Bible, c’est son lien avec l’histoire du peuple de Dieu : elle relie le peuple avec le Dieu qui agit pour ses élus dans l’histoire. Cependant ces fêtes s’enracinent dans le terroir des hommes. D’où, il est important de faire une étude plus approfondie sur la Pâque, d’abord une fête juive mais devenue par la suite, la base de la foi chrétienne. 

  1. La Pâque juive, son origine

A l’origine, il existait deux fêtes pour célébrer le printemps : “Hag-Ha pessah” et le “Hag- Ha Matsoth”. Le “Hag-Ha pessah” signifie “fête de l’agneau pascal. C’est d’abord une fête pastorale dont l'origine remonte au temps où le peuple hébreu était des nomades. Dans cette fête, le rite du sang avait déjà une valeur si importante qu’on faisait, avec le sang de l'agneau, oindre les portes d'entrée de la tente ou de la cabane. C'était un rite de protection pour détourner les mauvais esprits et protéger ainsi la famille. Le mot pâque désignait déjà de manière générale l’ensemble de ce sacrifice. Le “Hag- Ha Matsoth” signifie “fête du pain sans levain. Selon Martin-Achard, la Pâque est souvent associée, sinon confondue avec une autre fête, celle des “Massot, appelée aussi “fêtes des Azymes ou des “Pains sans levain, qui n’est mentionnée que dans les textes juridiques et historiques.  Dans le livre d’Exode, seule cette fête est qualifiée de “hag” à l’inverse de la Pâque qui, à l’origine, n’est nullement un pèlerinage. Il s’agit d’une fête agraire située au mois des épis, au début de la moisson qu’Israël a sans doute adoptée lors de son installation en Canaan. Cette fête dure une semaine. Selon R. de Vaux, c’est un trait Israelite qui a très tôt mis en relation cette fête avec la sortie d’Egypte. L’une de ses caractéristiques est l’interdiction de consommer tout produit fermenté pendant la durée de la fête. Cette prescription n’est pas différente de celle que le Deutéronome mettra en rapport avec la sortie d’Egypte (Dt. 16,3).

Les deux célébrations, la fête des Azymes et celle de Pâque, seront par la suite inséparables sans que leur fusion devienne totale. Selon le Deutéronome, la pâque est un “hag, elle doit donc être unie aux “Massot, puisqu’elle tombe au même mois, celui des Epis, se réfère au même événement, l’Exode, se situe au même lieu, le Temple de Jérusalem, et connaît la même obligation de manger du pain sans levain (Dt. 16 : 1-8).

  1. La Pâque chrétienne

La Pâque est en premier lieu intégrée à l’histoire du salut et reçoit dès lors l’événement auquel elle est rapportée sa signification profonde. Son nom même évoquera Yahvé passant par-dessus les maisons des Israelites, marquées du sang de la victime pascale, lors de la nuit de la sortie d’Egypte (Ex. 12, 23). 

Arrivée aux abords de l’ère chrétienne, la Pâque est devenue une solennité réunissant chaque année à Jérusalem des foules énormes, elle concerne en effet a la fois la famille juive et l’ensemble de la communauté d’Israël. Sa liturgie s’enrichit encore de quelques éléments. En fonction de l’affluence des Juifs au Temple de Jérusalem pour la fête, ils sont divisés en trois groupes qui se présentent successivement pour l’immolation. Celle-ci est faite par le père de famille, mais le sang recueilli immédiatement par un prêtre qui le transmet à son voisin pour qu’il en asperge l’autel. Il est ici intéressant de voir qu’il n’est plus question d‘oindre les montants et les linteaux des maisons israélites, comme le voulait jadis le rituel. Autrefois le repas devait passer dans l’enceinte du sanctuaire, il n’est plus nécessaire. Mais, malgré toutes ces évolutions, on maintient certaines traditions telles les aliments traditionnels (herbes diverses, agneau pascal, etc.) et n’oublient surtout pas de prononcer les mots “pesah”, “massah” et “maror”, qui rappellent que cette nuit est la nuit du mémorial de la sortie d’Egypte et qu’il convient de louer “celui qui nous tira de la servitude vers la liberté, de la détresse vers la joie, du deuil vers la fête, et des ténèbres vers la grande lumière”. Tels sont ici les traits de la Pâque juive au début de l’ère chrétienne. 

Plus tard, la Pâque devient le point central de la vie chrétienne dont la commémoration est la passion et la résurrection du Christ. Selon les Écritures, Jésus fut arrêté le soir de la Pâque juive, après avoir célébré avec ses disciples la Sainte Cène. Cette fête, pour nous chrétiens, remonte au tour de l’an 30, époque au cours de laquelle nombreux juifs allaient célébrer leur pâque en pèlerinage à Jérusalem. Jésus n’était pas exempt de cette pratique. Avec les juifs, IL faisait également ce pèlerinage et sacrifiait ensemble l’agneau et le mangeait en famille comme le rituel l’avait recommandé. Cependant, influencés par les écrits de l’Ancien Testament, les rédacteurs des évangiles substituent à la pâque juive la célébration de la Cène, le dernier repas de Jésus avec ses disciples, la veille de son arrestation. Pendant ce repas, Jésus avait utilisé certains éléments traditionnels associés à Pâque : le pain et le vin. A ses disciples, Il les a offerts comme son corps et son sang, signe qu’il est l’agneau pascal offert en sacrifice. Il leur a recommandé : “…faites ceci en mémoire de moi”. C’est un signe que Jésus s’est offert une fois pour toutes. 

Dans le calendrier festival de l’Eglise, la Pâque, la fête agraire des prémices, la “fête du printemps et du renouveau” occupe le centre autour duquel gravitent toutes les autres. Elle célèbre l’événement fondateur du peuple de Dieu : la libération de l’esclavage par la sortie d’Egypte (Exode 12-15). Le rite principal est le repas pascal en famille avec l’agneau, les pains azymes, les herbes amères, les quatre coupes de vin. Certains éléments comme le pain et le vin serviront plus tard à constituer la source et le sommet de l’Eglise : l’Eucharistie.  La pentecôte qui, pour certains, est la date de la naissance de l’Eglise, a été une chose beaucoup plus culturelle, traditionnelle que spirituelle. C’était la moisson des blés et la commémoration de la promulgation de la Loi sur le Sinaï (Exode 19-20). C’est ce sens que prend le mot “inculturation” dans l’Encyclopédie Universalis. Il s’agit de prendre en compte la spécificité des cultures locales au lieu de leur imposer le modèle étranger comme modèle-patron. 

La Pâque chrétienne constitue l’axe fondamental de la liturgie et de la mission  de l’Eglise. C’est le principe et l’inspiration pour l’exercice de la théologie et de la diaconie de l’Eglise. Ces aspects sont des moyens par lesquels s’exprime la relation entre foi et culture. Pâque comme expérience d’inculturation liturgique a, dans le témoignage biblique, deux moments importants. Dans la Pâque juive, le peuple Israël attribue un caractère historique et salvifique aux contenus de quelques fêtes liées aux cycles naturels et la survivance des groupes humains. La sortie de l’esclavage se convertit en référence clé pour la relecture de telles fêtes. Quelques années plus tard, Jésus de Nazareth a fait sa relecture de la première Pâque à partir de la perspective libératrice de sa propre vie, mort et résurrection. Delà, nous pouvons parler de la pâque biblique comme une double expérience d’inculturation qui affecte la foi du peuple et son style de vie. Donc, l’inculturation se manifeste non seulement comme actualisation de vieux contenus à la lumière d’une nouvelle expérience de foi, mais aussi comme questionnement et découverte. Il faut questionner les rites qui se répètent afin de permettre au peuple de Dieu d’atteindre sa libération la plus entière et ainsi découvrir la présence du Dieu vivant qui, au delà de bien des rites, nous pousse vers la nouvelle histoire et la nouvelle liturgie. Voilà une première raison qui nous fait dire que la fête des pâques enseigne une histoire d’inculturations. 



3.  Jésus est l’homme d’une race, d’un pays, d’une époque et d’une culture 

Si certains discutent encore malgré les résolutions du concile de Nicée en 325 de la divinité de Jésus, les textes bibliques qui montrent que Jésus était un homme, un être humain comme nous, sont très nombreux. Dans les généalogies de Jésus, Matthieu et Luc se mettent à ponctuer des dates, à préciser des données historiques pour montrer comment Jésus était un homme attaché à toute la culture du peuple juif, et à toute l’histoire de l’humanité. On peut être plus à l’aise avec les conséquences du Christ glorieux mais on ne peut vider l’incarnation d’une de ses conséquences : la dimension culturelle de notre foi. A la pentecôte, l’Esprit-Saint a élargi les frontières de la mission évangélique aux dimensions du monde. Il n’a pas cependant détruit les limites des nations, ni les différences des cultures, il n’a pas uniformisé l’Eglise. Au contraire, la pentecôte montre très clairement que c’est l’Eglise qui s’est adapté à la culture, à la langue des différents peuples. Il est, aujourd’hui, admis que même les missionnaires qui ont porté les souffrances des esclaves dans leur chair, se sont arrêtés au respect des cultures indigènes et africaines. Jésus en a fait de même. Il n’a pas vécu son humanité dans les nuages ni non plus en dehors de l’histoire. 


  1. Jésus autour de la table : signe de respect pour la tradition de son peuple

Au temps de Jésus, la célébration pascale avait évolué d’une fête familiale à une fête nationale centrée autour du temple de Jérusalem. Dans les pratiques juives, manger ensemble est une culture très forte. C’est le moment où tout le monde partage un même lieu, un même esprit et un même temps.  D’après les spécialistes de l’éducation, la table est un espace privilégié pour transmettre les valeurs sur lesquelles se fonde l’existence humaine : sens de responsabilités, sens moral, estime de soi, équité, amitié, humour, devoir social, autonomie, effort, famille, sexualité, respect des autres etc. A cette lumière, nous pouvons considérer le dernier repas de Jésus comme une transmission de valeurs. Et, du lavement des pieds le jeudi saint, Jésus a transmis vraiment la plus grande vertu à ses disciples : que celui qui veut être chef soit le serviteur. Par son acceptation de s’asseoir autour d’une même table avec ses disciples, Jésus se différencie des autres rois du temps qui pouvaient se faire servir des choses qu’on ne mange qu’à Rome à la table de César. Cependant il faut reconnaitre que tout repas a un caractère sacré. D’ailleurs dans la Bible même, il y a beaucoup de moments décisifs qui se jouent autour du repas : le fruit cueilli par Adam et Eve, le repas de l’Eucharistie, la manne au désert, les noces de Cana etc.  

Au moment de prendre des grands repas, les esclaves et les servantes avaient comme obligation de transmettre l’invitation et de contrôler avec rigueur l’habit de fête. On retrouve aussi cette exigence dans les paraboles de Jésus. Longtemps avant Jésus, on mangeait assis, jamais debout mais l’influence gréco-romaine a introduit le repas couché sur des coussins, ou on s’appuyait sur le coude gauche pour manger de la main droite. Les préparatifs du dernier repas de Jésus avec ses disciples expliquent : Vous trouverez à l’étage une grande pièce garnie de coussins ; faites-y les préparer (Luc 22,12). Il était pratique que le maitre du repas serve lui-même les invités et Jésus a repris, dans sa dernière Cène avec ses amis, cette pratique en prenant la bouchée qu’il avait trempée et la donna à Judas Iscariote, fils de Simon (Jean 13,26).  

Dans toutes sociétés, les lieux de pèlerinage sont toujours remplis de gens. Cela a été le cas quand les juifs devaient monter massivement à Jérusalem pour la pâque. Certains préféraient rester chez eux au tour de la table pour partager en famille le repas qu’ils allaient partager à Jérusalem.  Manger autour d’une table était aussi un lieu où l’on apprend à se respecter, à respecter Dieu et à se considérer chacun comme sacré.  Donc, manger autour d’une table c’est accepter de transformer ensemble les limites qui séparent l’être humain l’un de l’autre. C’est pourquoi dans le livre des Juges, le repas autour de la table est un moment spécial au cours duquel on prend conscience de soi-même et discute les difficultés internes. La table est aussi l’espace où on se fait les grands souhaits (Gn 18,2), établit les liens d’amitié et de partage. Jésus, en acceptant de partager une même table, un meme temps et un même repas avec ses disciples, exprime publiquement son option pour les exclus de son temps (Lc 7, 36-50) et compare le royaume de Dieu à un banquet où tous sont acceptés sans distinctions d’aucune classe (Lc 14,16-24). Ainsi la table transfigure et cherche l’égalité, la communion entre les personnes. C’est pourquoi Paul partait a l’encontre des chrétiens de Corinthe pour avoir converti la Cène du Seigneur en un scandale excluent (1 Cor 11). Ainsi, au lieu d’édifier l’unité du Corps du Christ, on ne fait que l’endommager. Dans ce dernier repas autour de la table, Jésus révèle sa vie de service et se révèle comme celui qui sert (Jn 13). Cette pratique qui était culturelle, Jésus l’a reprise pour révéler l’essence éthique de son évangile. Rodolfo Gaede l’exprime ainsi :

Dans sa dernière Cène, Jésus utilisa une expérience séculière et quotidienne du peuple de son temps et y ajouta un sens nouveau… On célèbre la foi dans un Dieu qui veut la communion et la confraternité entre ses fils et filles… l’expérience judaïque de la communion autour de la table représenta toujours un questionnement sur la société exclusive… à travers la Cène Jésus enseigna et fit promouvoir l’expérience d’accueil pour les personnes désemparées et rejetées de la société… autour de cette table Jésus inaugura un temps nouveau dans lequel la réalité de souffrance par la discrimination et l’exclusion commence à être dépassée…communion autour de la table fut dans le temps signe de communion de vie et acceptation mutuelle. (La traduction est nôtre).   

  

  1. Jésus communie (mange) avec les autres

En Palestine, manger ensemble était coutumier et cela se faisait autour d’une table basse permettant à tous de se voir les uns les autres, d’être égaux les uns aux autres. Dans la communion avec les autres, Jésus inaugura une nouvelle communauté dépassant les frontières de l'espace et du temps. Le repas est ici conçu comme signe essentiel de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. D’où les divisions qui empêchent les églises de célébrer et de communier ensemble se révèlent douloureuses et scandaleuses. Donc, la communion est un pas vers l’unité dont Jésus a symbolisé et qu’il a toujours souhaité pour ses brebis : 

“Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. [...] Afin qu'ils soient un comme nous sommes un, --- moi en eux, et toi en moi, --- afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé (Jn 17 21—23)”


Le “manger ensemble” est très pédagogique dans les relations familiales, amicales, sociales et humaines. Certainement Jésus a développé une amitié sincère avec les disciples. Son absence allait quand même marquer et sa vie et celle des autres. D’où pourquoi il s’est réuni avec eux pour manger, dialoguer et certainement se formuler des souhaits. Dieu souhaite que ses brebis vivent dans l’unité, l’égalité et le service désintéressé. En communiant ensemble avec Jésus, les disciples entreprennent la construction d’une Eglise qui soit le sacrement même de la communion. 

Jésus et ses disciples se sont réunis pour célébrer, selon la coutume juive, la grande fête de Pâque. On peut bien le comprendre, rien de neuf n’a été inventé même au niveau rituel, puisque la bénédiction sur le pain suivi de la fraction et du partage, de même que la bénédiction sur le vin et le partage de la coupe font partie intégrante du repas pascal juif. Rien de neuf quant à la pratique mais le repas prend une tournure particulière en raison du sort inéluctable qui attendait Jésus. Le groupe des disciples était dans la consternation, la peur, la crainte, la douleur, la déception, l'impuissance, etc. Etant sur le point de tirer la serviette (au bord de la déroute), les disciples ont pu trouver réconfort dans les paroles de Jésus : “Ceci est mon corps…” pour signifier qu’il sera présent au milieu d’eux. Manger et boire sont les signes de la vie et c’est ce qui permet de vivre chaque jour. Donc, le dernier repas autour de la table n’était pas seulement une invitation à communier mais une manière de sceller ensemble leur engagement. D’où, le sens jusqu'à aujourd’hui ne change pas. Prendre part à la table du Seigneur c’est accepter d’épouser sa cause, renouveler et relancer l’engagement initial qui se concrétise dans la vie des peuples d’aujourd’hui. 

“… Cette coupe est la nouvelle alliance versée pour vous et pour la multitude en rémission des péchés…. […]  Faites-le en mémoire de moi” montre comment le sang de Jésus est devenu le lieu où les ponts sont à jamais rétablis avec Dieu sans restriction ethnique pour remplacer l’ancienne qu’il fallait répéter annuellement au “jour du pardon” (le jour du “Yom Kippour”). 

Considérant le rite dans sa matérialité, il n’avait pas à être créé, ni prescrit, puisqu’il existait depuis longtemps. Notre seigneur ne faisait qu’accomplir un rite très ancien que ses disciples, même sans lui, auraient certainement continué à accomplir tout au long de leur vie commune. Mais Jésus voulait, par ses paroles “faites ceci en mémoire de moi”, donner un sens nouveau à ce vieux rite. Une fois de plus, un fait historique, une divine intervention dans l’histoire de l’homme allait intégrer un rituel humain. Comprenant bien ceci, la liturgie est, donc, liée aux vérités principales et aux réalités centrales du christianisme dont le judaïsme est la base.  

  1. Le partage des éléments basiques de la nourriture : Pain et vin

Selon Yves-Marie Blanchard, le pain, souvent accommodé de poisson séché ou grillé, constituait la nourriture de base des paysans et pêcheurs de Galilée au temps de Jésus. Le partage d’un tel aliment offert au plus grand nombre atteste la dimension universelle de la mission de Jésus et sa volonté de rassembler le peuple de la Nouvelle Alliance. Donc, la célébration eucharistique est très influencée par les traditions juives qui, elles-mêmes, plongent leurs racines dans des antiques traditions païennes.  

Tout ce qui est beau et bon existe dans la création de Dieu (Gn 2,9). Le partage est une recommandation divine. On peut vouloir s’accaparer de tout mais aussi partager son pain avec d’autres. Ce dernier geste permet de rétablir la justice, la paix et la communion. Isaac et Abimelek, avant leur serment mutuel, ont commencé par un festin que nous pouvons interpréter comme un rétablissement de la communion.  

Le pain est ce qui permet aux voyageurs de continuer leur route sans faiblir. L’exemple des hébreux dans le désert et celui d’Elie en fuite en expliquent. Et, le vin, depuis la nuit des temps, est une culture méridionale. La Bible, dès la Genèse parle de Noé comme cultivateur de la vigne. Une utilisation modérée du vin est un complément indispensable à la nourriture. Le livre de Siracide explique : “Le vin, c’est la vie pour l’homme, quand on en boit modérément. Donc, le vin a été créé pour la joie des hommes. Gaieté du cœur et joie de l’âme, voilà le vin qu’on boit quand il faut et à sa suffisance” (Si 31, 27-28). Cette optique nous permettra de comprendre rapidement la transformation de l’eau en vin aux Noces de Cana en Galilée. 

Dans toutes les civilisations, “partager son pain avec quelqu’un” signifie tout carrément le reconnaitre comme frère. La fraction du pain a permis aux  disciples d’Emmaüs d’avoir leurs yeux ouverts et reconnu Jésus (Luc 24,35). 

En Palestine, aux temps de Jésus, les repas les plus pauvres se composaient généralement de pains d’orge, d’olives, de sauterelles, du fruit et les gens plus ou moins aisés y ajoutaient du poisson, des chevreaux et du vin. C’est dans ce quotidien qu’on peut situer Jésus qui lui-même a puisé beaucoup d’images pour ses discours et paraboles. 

L’usage que Jésus a fait des éléments basiques comme le pain et le vin leur a donné un sens nouveau. Ils symbolisent sa vie livrée pour l’inauguration d’un temps nouveau : Temps de grâce. Tout ce symbolisme génère une forte unité dans la nouvelle communauté autour de la table commune dont les signes sont l’amour et le pardon. 



  1. Jésus fait usage des gestes et paroles du peuple de son temps

Dans la dernière Cène, les gestes de Jésus rappellent ceux des prophètes de l’Ancien Testament (Is 20 : 3 ; Jér 19 :10-11 ; Ez. 5 : 1-14). Par ses gestes et paroles quotidiens dans les banquets juifs (bénir le pain, rendre grâce pour la coupe et la distribuer), Jésus affirme qu’il sera le sujet de la prochaine intervention divine. A travers les gestes et paroles, IL (Jésus) a réalisé un  salut au caractère définitif et eschatologique. 

Dans la pâque de Jésus, il faut considérer deux éléments importants qui ont tout leur sens dans la culture religieuse des israélites : La “berakà” et le “zikkaron”. Dans la tradition et dans le culte juif, la bénédiction (“berakà”) constituait d'une part la transmission de la vie à l'homme de la part de Dieu et, d'autre part, la reconnaissance émerveillée et adorante de l'homme pour l'œuvre de Dieu. Cela était réalisé dans le sacrifice présenté au Temple et dans le repas pris chez soi (Gn 1,28 ; 9,1 ; 12,2-3 ; Lc 1,69-79). La “berakà” se meut dans un plan de foi non seulement dans le pouvoir absolu de Dieu, mais surtout dans les événements historiques dans lesquels se révélait à Israël l’amour divin. Yahvé est toujours le Dieu qui aime, élit et sauve. Oublier l’histoire, le passé, les actions et promesses de Dieu équivaut à une perte du sens de l’existence. La liturgie était pour Israël un rappel et une prise de conscience (“zikkaron”). Elle est, pour le chrétien, une ouverture à l’espérance eschatologique qu’il sera un jour par le Messie libéré de toutes oppressions et douleurs.  

Dans la dernière Cène de Jésus avec ses disciples se réalisent les signes prophétiques et le mémorial annoncés dans l'Ancien Testament (le repas en Égypte, le don de la manne, la célébration annuelle de la Pâque. Le “faites ceci en mémoire de moi” rappelle l’Eglise que Dieu veut établir avec l’homme une indestructible amitié. Et c’était la pratique des juifs. Pour montrer leur amitié, ils s’invitaient l’un chez l’autre pour manger et bénir le nom de Yahvé. D’où Jésus, à leurs yeux, ne semblait rien faire d’extra ou de magique. Mais Jésus, à la fois le prêtre et l’agneau, en utilisant les gestes et paroles du peuple a profité pour donner un sens nouveau au repas pascal. Il offre à tous ceux qui l’acceptent avec foi l’opportunité de devenir enfants de Dieu (Gal 3,26 ; Jn 12) et  d’accéder à la vie éternelle (Jn 3,16).  

En résumé, Jésus fait avec ses disciples une relecture conceptualisée de la pâque juive en appliquant ses contenus salvifiques à sa propre existence de service à Dieu et au peuple. Il sentait qu’il vivait sa pâque définitive, son transit au sein du père comme conséquence de ses actions historiques en faveur des dépossédés et les faibles et comme anticipation de la libération définitive.  En d’autres termes, pour paraphraser Anscar Chupungco, d’un coté, Jésus se comporte comme un juif fidèle qui fréquente le temple, la synagogue, célèbre avec son peuple ses principales fêtes. De l’autre coté, dénonce le légalisme du culte, se déclare ainsi donc le Seigneur du Sabbat, annonce la destruction du temple et l’avènement du nouveau culte en esprit et en vérité. Ce n’était pas une position de rupture mais de perfectionnement de la religion de ses pères. La dernière Cène est le cas de réinterprétation de la nourriture pascale : Le passage de Jésus  du monde au père pour le salut de l’humanité

Justin, au cours du IIe siècle, dans son apologie à l’empereur Antonio Pio indique que le célébrant qui offre les prières de consécration des éléments de la cène, doit le faire selon son habileté et sa capacité. D’où la célébration eucharistique supposait une certaine flexibilité donnant l’espace à la créativité. Ainsi donc, Hyppolite, au cours du IIIe siècle, dans sa Tradition Apostolique montre des ouvertures similaires à l’heure de proférer la prière de consécration. Cela montre que le faire mémoire de l’événement majeur de la foi chrétienne, la pâque, peut être variable. Elle ne peut être une récitation de vieilles formules mémorisées. L’important est d’être fidèle à l’essence de la prière eucharistique. Ce même Hyppolite nous montre comment le néophyte lors de sa première communion recevant joint aux espèces eucharistiques le lait et le miel signifiant l’accomplissement de la promesse de Dieu faite aux patriarches, l’entrée à la terre promise où coulent le lait et le miel. Le don de lait et miel était aussi une pratique des romains préchrétiens pour dire bienvenue dans la famille aux nouveau-nés et ceci était une sorte de protection contre les mauvais esprits. C’est aussi la même chose quand il est dit dans Jn 6, 54 “celui qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai le dernier jour”. 

Le lavement des pieds, la préparation de la pâque, la bénédiction des fruits du travail humain, les paroles et les gestes montrent que Dieu préside constamment l’histoire humaine. C’est à travers son histoire que l’homme apprend à croire pour faire gloire à Dieu. Saint Iréné, au deuxième siècle, disait : “Gloria Dei, vivens homo” “la gloire de Dieu c’est l’être humain dans la plénitude de sa vie”. Pour cela, la manière de célébrer la gloire de Dieu est d’être en alliance avec lui pour se dédier à transformer la société. L’engagement politique de l’Eglise c’est sa liturgie la plus solennelle (RM 12 :1-2). Nos liturgies n’ont sens chrétien que si elles sont l’expression d’un peuple consacré à l’œuvre de Dieu. Ceci nous conduit à une considération vitale. Dans l’assemblée de l’église, le “Qahal” dont l’activité est la liturgie elle-même, chacun a quelque chose à y faire, a son propre rôle à jouer dans une action qui est essentiellement communautaire, une action qui n’admet pas de spectateurs, mais seulement des participants actifs, engagés dans l’œuvre d’ensemble. Toute fois, cette activité communautaire ne signifie nullement que chacun ait à faire chaque chose, ou n’importe qui à faire n’importe quoi. Au contraire, la liturgie est ordonnée de manière hiérarchique. Cette hiérarchisation n’est pas seulement dans le but d’éviter les désordres et la confusion. Elle est, plutôt, la conséquence directe du fait que l’ecclésia ne se rassemble pas de sa propre initiative. Mais bien parce qu’elle a été convoquée par la Parole de Dieu qui lui parlait de la manière qui convient à cette Parole. C’est pourquoi, permettez-moi l’anticipation, que nous recommandons, pour inculturer la liturgie dans le contexte haïtien, qu’il ne suffit pas, comme c’est le cas, que des tentatives isolees soient entreprises par certaines communautés. Il faut un symposium où ensemble évêques, prêtres et laïcs peuvent sans crainte aucune travailler la liturgie qui est l’expression de leur foi. Saint Ignace a écrit  “seule peut être considérée comme valide la liturgie qui est célébrée par l’évêque, ou par celui à qui il a ordonné de l’accomplir”. Cela ne signifie pas notre adhérence au cléricalisme liturgique. Au contraire, cela nous sert d’argument pour dire que l’unique liturgie dans l’église, ordonnée par la Parole de Dieu dans le Christ et rendue efficace par cette Parole, doit se composer de la combinaison harmonieuse des liturgies distinctes des différentes couches de l’église, toutes travaillant ensemble selon la hiérarchie apostolique, personne n’agissant séparément par lui-même et personne n’usurpant le rôle d’un autre, mais chacun jouant son propre rôle dans l’harmonie divinement ordonnée de l’action entière. 

Le service est la pédagogie par laquelle tout se succède dans l’Eglise. Et c’est ce que Jésus a montré dans la dernière Cène : Le culte, l’enseignement, la communion et l’action en faveur du monde.  L’emprunt des éléments culturels du temps par Jésus est un signe parfait de son respect pour les chemins divers qu'empruntent les hommes pour chercher une même réalité. L’annonce de Jésus-Christ met en lumière les vérités cachées dans chaque culture. Cette démarche, selon le conseil pontifical pour la culture, élargit le sens de la vie, élargit les horizons de la raison et affermit les fondements de la morale humaine. Pour tout cela, aujourd’hui est le moment privilégié pour la recherche d’une inculturation de la foi, de la liturgie.

Somme toute, le moment est venu d'une réforme radicale et générale de la liturgie. La mission première de la liturgie c’est de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles, mieux s’adapter aux nécessités de notre époque dans ses éléments sujets aux changements,  favoriser tout ce qui peut contribuer à l'union de tous ceux qui croient au Christ; fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l'Église

“Legem credendi stuart lex supplicandi” “Que la règle de la prière établisse la règle de la foi”. Puisque la proclamation de la Parole de Dieu s’est primitivement incorporée à la célébration liturgique du peuple juif, il s’ensuit que cette Parole ne peut jamais être comprise en dehors de la tradition vivante et permanente de cette même célébration. Ainsi pouvons-nous comprendre combien il est naturel de relier la Bible à la Tradition et à la Raison, combien sont harmonisées ces trois sources de notre foi anglicane. La Tradition, pour parler exactement, est la vie de la vérité divine dans l’Eglise. Dans la liturgie, cette vie est prise à sa source et dans la plénitude de sa force. C’est dans la liturgie que cette vie doit être trouvée dans le contexte de culte qui convient à sa nature. C’est dans ce contexte que s’est accomplie la proclamation fondamentale de la Parole divine. C’est dans et pour ce contexte que la Bible elle-même s’est développée et où la liturgie doit être considérée comme le trésor fondamental de toute la tradition doctrinale.  

A la lumière de tout ce qu’on vient de dire, nous pouvons constater combien sont étroitement liées entre elles l’appréciation de la vie chrétienne dans toute sa plénitude individuelle et sociale. Saint Cyrille de Jérusalem, dans ses Catéchèses mystagogiques, présente à ses néophytes la vie chrétienne comme une vie personnelle de foi et de prière, mais une vie qu’on ne peut concevoir en dehors de son incorporation au Corps du Christ, cette incorporation consistant précisément à unir le néophyte à l’assemblée de ceux qui participent au culte. 








CHAPITRE IV

Comprendre la liturgie, participer à la liturgie. Défis de l’église épiscopale haïtienne

Depuis la Reforme au temps d’Henry VIII, le panorama de la liturgie dans l’église anglicane est dominée par le maitre-mot “participation”. Les articles XXIV et XXXIV (LPC p.722 & 724) cités dans le chapitre antérieur nous montrent, par l’accession du laïcat aux livres liturgiques longtemps réservés aux célébrants et la flexibilité des Traditions selon les cultures des différents peuples, que la liturgie est une activité communautaire. Sur le plan liturgique, l’objectif même de la Reforme Anglaise était d’arriver à une liturgie participative, permettre à l’église d’Angleterre de vivre l’Evangile localement. Cependant, nous verrons plus loin que, malgré les efforts nombreux et louables qui ont été faits partout pour obtenir une participation plus grande des fidèles aux rites liturgiques, les résultats ont été inégaux, éphémères et parfois même ambigus.

Le concile Vatican II marqua, en général, un tournant décisif dans la vie de l’Eglise. Sa constitution sur la liturgie encourage les fidèles à une participation “consciente, active et fructueuse”, à faire un effort pour ne pas rester étranger aux rites liturgiques, à participer avec enthousiasme et ainsi, décourage toutes désinvoltures et froideurs. Ces expressions retiennent surtout l’attention des clercs et laïcs préoccupés par la pastorale. Paul VI (pape) a clairement expliqué que c’est l’Eglise même qui veut que tous les fidèles soient acheminés vers une participation plénière, consciente et active aux actes liturgiques, telle que la demande la nature même de la liturgie, et selon le droit et le devoir qui appartiennent en vertu du baptême au peuple chrétien (1P 2,9).

Participer à la liturgie comprend trois caractères essentiels. En premier lieu, la participation doit être consciente, ce qui suffirait pour révéler le caractère humain de la religion que l’Eglise inculque à ses fidèles. Deuxièmement, elle doit être active et personnelle. Troisièmement, elle doit être surtout communautaire. 

C’est à la lumière de tout cela que se situe notre problème avec la liturgie anglicane dans notre contexte haïtien. On définit la liturgie comme étant “source et sommet” de la vie chrétienne. Nos expériences nous portent à constater qu’elle se vit plus, dans notre contexte, comme “sommet” que comme “source”. Les défis sont de taille et, pour les relever, il faut une conscientisation collective et une volonté réelle. 

  1. Les défis de l’église épiscopale haïtienne :

Les défis auxquels l’église épiscopale fait face aujourd’hui ne sont pas d’ordre liturgique mais plutôt d’ordre culturel. Le LPC est la liturgie anglaise que d’autres églises membres de la “Communion Anglicane” s’approprient fièrement comme liturgie chrétienne. Oubliant que l’intuition anglicane originaire était d’être église locale, nationale, significative pour les anglais dans leur propre conjoncture. Voyons mieux les différents défis spécifiques auxquels l’église épiscopale haïtienne fait face.

   

  1. Le défi du bilinguisme et la volonté d’être membre d’une communauté mondiale 

En Haïti, il n'y a pas beaucoup de recherches systématiques dans le domaine sociolinguistique. Mais la république d'Haïti est donc juridiquement et internationalement reconnue bilingue avec le français et le créole comme langues officielles. En vertu de cette proclamation, les deux langues devraient, en principe, être employées dans tous les organismes du pays. En réalité, le bilinguisme d'Haïti relève plus du symbole, car même la constitution qui reconnaît l’existence et la cohabitation des deux langues a été rédigée uniquement en français et il n'existe aucune version officielle en créole de la loi fondamentale. Toute version créole du texte constitutionnel ne relève que d'une initiative personnelle de la part des traducteurs. Et, à un degré moindre, il en est de même pour la liturgie épiscopale haïtienne. Bien qu’Haïti se souscrive à la charte universelle des droits de l’homme, les récentes études montrent malheureusement Haïti comme le pays où l’analphabétisme fait plus de rage (49%). A coté du français reconnu constitutionnellement comme langue de l’enseignement, près de la moitié de la population haïtienne ne sait ni lire ni écrire et, les statistiques montrent que le créole est privilégié au niveau du ler cycle dans les écoles haïtiennes. Le français ne serait une langue officielle de l’enseignement qu’au niveau secondaire ; niveau qu’une infirme partie a la chance d’atteindre.   

La colonisation française a imprimé chez les haïtiens un sentiment de dévalorisation de leur propre culture. Ce sentiment est l’une des causes premières de fragmentation des anciennes colonies françaises. Cette fragmentation passe aussi à l’intérieur de l’église épiscopale haïtienne. Dans un seul et même diocèse se rencontrent le high church, le low church et le middle church. De ces trois niveaux découlent trois types de comportements différents. Premièrement, certains prêtres et laïcs pensent pour être un vrai épiscopalien, il faut respecter scrupuleusement le LPC. C’est ainsi que, d’une part, on saura garder fidèlement son identité anglicane, peu importe d’autre part, qu’on soit enfermé dans une pastorale de conservation mêlée d’accommodements. Ils sont farouches à certaines pratiques protestantes haïtiennes, ils se rapprochent plus du catholicisme romain. Ils veillent au respect des couleurs liturgiques, à l’usage de l’encens, à l’allumage des cierges etc. C’est le high church. Ce premier comportement ne signifie pas automatiquement que les communautés comprennent effectivement et participent vraiment à la liturgie. C’est plutôt le  respect d’un traditionalisme impressionnant qu’on retrouve plus dans les villes haïtiennes.  

Deuxièmement, le niveau d’analphabétisme étant plus élevé dans les milieux ruraux, certaines communautés rurales font une déviation en vue de faciliter une participation plus consciente à la liturgie, de faire la célébration plus communautaire. Cette déviation veut, à partir d’une vision dynamique, créer une attitude de foi, chercher un engagement plus pragmatique des fidèles et ainsi inspirer une pastorale touchant les structures mentales et sociales haïtiennes. Mais, en même temps ramènent des choses antagoniques à la doctrine anglicane même. L’objectif valable de cette déviation vise la création d’une liturgie participative. Dans ces communautés, le créole connaît un grand essor. Mais d’autres communautés traditionnelles, trop habituées aux récitations mémorisées, sont farouches à ces types de déviations et, ainsi donnent lieu au sentiment dévalorisant et préjudiciable à la langue créole. Ceci dit, en dépit de la qualité des dévouements, la création de cette liturgie participative n’est pas toujours facile.       

Le troisième est un mélange des deux premiers types de comportements. On retrouve non seulement le sens de l’appartenance mais aussi le traditionalisme avec plus d’ouverture. Ces trois types de comportements sont le résultat d’un manque d’une liturgie qui soit non seulement anglicane mais qui soit d’abord et surtout haïtienne. A travers cette thèse, nous souhaitons déclencher l’alarme et marquer la venue de cette liturgie épiscopale haïtienne.  

Ces trois visions différentes de l’église sont une réalité dans le diocèse d’Haïti. Sachant que dans le contexte haïtien l’œcuménisme est encore à construire, elles se rejoignent toutes en faux contre les tentatives qui viseraient copier les pratiques de l’église catholique romaine. Ceux qui connaissent l’histoire de la Réforme Anglaise pensent que ces tentatives constitueraient un manque à gagner pour les anglicans puisqu’à travers Dom G. Dix ils ont contribué à la réforme liturgique de l’église catholique romaine lors du Concile Vatican II. Depuis après la dictature duvaliériste en Haïti, par son engagement populaire, la liturgie de l’église catholique romaine prend une autre tournure. Ils introduisent le mime dans la liturgie, le créole, les tambours et récemment certains instruments de musique longtemps réservés aux activités du vodou comme le jonc, le bambou, les cornes, les vaccines, etc. Tout cela fait partie intégrante du folklore national. La volonté de conserver l’identité anglicane ne doit pas faire oublier ou ignorer cet héritage commun entre tous les haïtiens.   

Dans les deux prochaines années qui suivent, c’est-à-dire en 2011, l’église épiscopale haïtienne fêtera ses cent cinquante ans. Cent cinquante ans qui s’inscrivent dans de grands engagements sociaux, lesquels en même temps montrent une pauvreté liturgique accrue du diocèse. Certains peuvent se réjouir d’avoir  traduit au créole certaines parties du LPC. Cependant, dans le concret, cette traduction n’a jamais été présentée comme document officiel de l’église épiscopale haïtienne, ni assez diffusée ni trop prise au sérieux tant par les prêtres que par les ministres laïcs de cette église. Encore moins que cette traduction n’impliquait pas de ministres laïcs. C’était l’œuvre de deux prêtres dont un américain et un haïtien. Le manque d’usage même du matériel est une claire démonstration d’une maturité du peuple que l’Église entière doit prendre au sérieux. La reforme liturgique ne doit pas, comme avant, être produite dans les monastères et pratiquée dans les communautés. Les communautés constituent les laboratoires les plus fidèles pour une vraie liturgie. D’où l’important n’était pas ni ne sera la traduction de la liturgie anglaise au créole haïtien. Ce sera la création d’une liturgie haïtienne.  

Le premier grand renouveau liturgique dans l’église anglicane fut l’introduction du langage vernaculaire au temps d’Henry VIII, entre 1538 et 1549. Mais ce n’était que le début. En 1552, 1556 et 1562 il s’est fait des révisions de la liturgie en Angleterre. Chaque révision du livre de prière était traduite en français pour les citoyens francophones des Iles de Jersey et de Guernesey dans la Manche, et plus tard pour les Huguenots venus de France durant les guerres religieuses. 

Avec l’expansion de l’empire britannique, l’église d’Angleterre s’est rendue partout. Peu après son implantation dans un pays, les fidèles et le clergé local demandaient habituellement une révision liturgique selon la culture et les coutumes de cette église. Une des premières communautés à le faire fut l’église épiscopale des États-Unis (ECUSA) qui avait déclaré son indépendance face aux évêques d’Angleterre peu après la déclaration d’indépendance civile. Donc, en 1789, ces américains ont produit leur propre version du livre de prière. Pendant les 19e et 20e siècles la plupart des églises de la communion anglicane se sont rendues indépendantes de leur “église-mère”, bien que toutes reconnaissent l’archevêque de Cantorbéry comme primat d’honneur et qu’elles restent toutes en communion mutuelle.

Pour nous, les trois comportements, au lieu de contribuer à approfondir la valeur liturgique du LPC qu’ils pensent comprendre et suivre scrupuleusement, ne font que l’atténuer. Car si pour certains il faut un respect scrupuleux, le LPC lui-même dit ceci “il est évidemment contraire à la parole de Dieu et à l’usage de l’Eglise Primitive de faire des prières publiques dans l’Eglise ou d’administrer les sacrements dans une langue que le peuple ne comprenne pas”. Si pour d’autres il faut garder son identité anglicane et, par conséquent, rester figé à un traditionalisme, il est dit : 

“Il n’est point nécessaire que les Traditions et les cérémonies de l’Eglise soient partout les mêmes et entièrement conformes, car elles ont été diverses en tout temps et elles peuvent être changées selon la diversité des pays, des temps et des mœurs, pourvu qu’on n’établisse rien de contraire à la parole de Dieu. Quiconque par son propre jugement, volontairement et à dessein, viole ouvertement les Traditions et les cérémonies de l’Eglise, qui ne sont pas contraire à la parole de Dieu et qui sont établies et approuvées par l’autorité générale, doit, afin que d’autres craignent de suivre son exemple, être repris publiquement comme une personne qui prêche selon l’ordre public de l’Eglise, qui porte atteinte à l’autorité du Magistrat et qui blesse les consciences des faibles. Chaque Eglise particulière ou nationale a le pouvoir d’établir, de changer et d’abolir les cérémonies ou les rites de l’Eglise, qui ne sont que d’institution humaine pourvu que tout se fasse à l’édification générale” (déjà cité, chapitre III, p. 56). 

Donc, un respect scrupuleux du LPC français en Haïti est en contradiction même avec ce livre. Là, on peut constater une faille dans la formation liturgique même de nos prêtres.   

 Nous avons tantôt parlé de certains efforts non concertés dans le sens qu’il y a des adaptations qui sont en train d’être faites sur le plan liturgique dans plusieurs coins du diocèse. Bien qu’elles s’inscrivent toutes dans une démarche de vivre plus fidèlement la foi apostolique. Cependant, de notre point de vue, le fait de ne pas incarner un plan diocésain, cela résulte dangereux. Nous expliquerons les raisons à notre prochaine recommandation qui sera d’organiser des symposiums sur la liturgie. 

L’émergence de la théologie de la libération met à clair les manières propres des chrétiens latino-américains de se présenter à Dieu. Ils se présentent à travers des cantiques et des supplications qui reflètent non seulement leur joie mais aussi leurs cris de douleurs, leur lutte pour la justice et leur espérance d’un nouvel ordre. Au synode diocésain de 2005, le comité  “Liturgie et Musique” du diocèse d’Haïti a fait sortir un livre de cantiques(LC) longtemps attendu dans le diocèse. L’apôtre Paul souligne avec véhémence que le “chrétien doit chanter à Dieu de tout son cœur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés”. Malgré les efforts déployés par ledit comité, l’attente de plus de la moitié de nos communautés reste pendante. Le nouveau LC est une traduction de l’“Anglican Hymnal” dont l’illustration est une théologie médiévale, laquelle en raison des siècles qui nous séparent, n’a pas grand-chose à voir avec la réalité concrète de l’Haïti d’aujourd’hui. Il est important de mettre en valeur les compositions des fidèles laïques, lesquelles  traduisent les cris de misère, de lutte, d’allégresse et d’espérance du peuple de Dieu.  Selon les remarques du père Jean-Elie Charles, le fait de prioriser le grand “Anglican Hymnal” au détriment des productions locales est une ignorance. Car, les communautés étant à la recherche de leur propre espace dans la liturgie de l’église, tirent des autres dénominations, bien que chrétiennes, des choses contradictoires à la doctrine même de l’église épiscopale.

Haïti ne fut pas réduit au monolinguisme français. Il est important de prendre au sérieux notre langue créole car c’est par elle que nous émergeons. C’est une condition sine qua non pour le diocèse d’Haïti, le plus grand et l’unique créolophone de la deuxième province anglicane des États-Unis, d’être un modèle d’évangélisation noire dans la communion anglicane. Le créole n’a pas autant de pouvoir de communication comme le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais. Mais, le diocèse d’Haïti, à travers un symposium régional avec les anglicans créolophones de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Dominique, de Sainte Lucie, etc., créera une possibilité à la fois locale et régionale de préserver ce patrimoine culturel surtout à l’ère où nombreuses cultures sont en voie de disparition, résultat de la globalisation. Car, s’enfermer orgueilleusement dans une scrupuleuse observance du LPC français, les communautés continueront d’écouter, de réciter mais sans être vraiment édifiées de cœurs comme d’esprits. 

  1.2. Le défi des modèles-patrons 

“Lex orandi, lex credendi”. Ce vieil adage latin du Vème siècle attribué à st Célestin Ier, signifie “la loi de la prière détermine la loi de la croyance”. A cet adage s’ajoute “Lex credendi statuit legem orandi” afin que nul ne puisse, fût-il prêtre, la modifier à son gré. Parmi les quatre jalons d’unité de la communion anglicane, la liturgie n’intervient pas. D’où, le Livre de Prière Commune, bien que traduise la liturgie chrétienne, ne reste qu’une simple traduction de l’anglais au français et, ainsi, constitue un exercice de récitations purement et simplement de la part de la majorité des haïtiens dont la langue réelle est le créole.   

Bien que l’Eglise d’Angleterre ait déclaré son indépendance de la hiérarchie catholico-romaine en 1538, elle a, cependant, gardé l’usage du latin et le missel romain jusqu’en 1549. Cette année a vu la promulgation du premier Livre de la Prière Commune avec les notes explicatives suivantes :

“… bien que sait Paul ait ordonné de parler dans l’église une langue que le peuple put entendre et qui l’édifiât, pendant bien des années, l’office s’est fait dans l’Eglise d’Angleterre en latin, langue que le peuple ne comprend pas. De sorte qu’il n’entendait que de ses oreilles, son cœur, son âme et son esprit en pouvait rien recevoir”.

 

Donc, l’idée de faire comprendre la Bible et les prières au peuple était l’une des motivations principales de Thomas Cranmer, l’auteur du premier Livre de la Prière Commune. De plus, il voulait réunir dans un seul livre tout ce qui concernait les sacrements, d’autres rites et la prière, aussi bien que le lectionnaire, le catéchisme et le psautier. Il voulait présenter aux fidèles un livre réunissant tous les aspects publics de la vie chrétienne. Et, sous sa direction, les auteurs du premier livre anglican ont pris soin de façonner un livre utilisant des textes de la Bible pour les antiennes, les hymnes, les répons et autres textes liturgiques.  

Comme dans d’autres aspects de la vie, il y a toujours des difficultés d’ordre émotif qui jalonnent la route du changement. Les auteurs du premier Livre de la Prière Commune ont procédé avec lenteur, par respect d’un clergé longtemps habitué au latin. Ce processus reste le même pour l’église épiscopale haïtienne si elle veut relever les défis auxquels elle fait face. Il ne sera pas sans difficultés. Les refus seront de toutes sortes. Mais, les auteurs du 16e siècle ont laissé un argument qui aidera tant à ceux qui auraient peur des changements qu’à ceux qui devront prendre les rennes du changement :

“ … si quelqu’un juge pénible cette nouvelle manière, parce qu’il lui faut suivre un livre alors qu’auparavant, à force de l’avoir tant répété, il connaissait tout par cœur, qu’il compare cet effort avec la connaissance qu’il acquerra chaque jour en lisant le livre, et il ne refusera pas de souffrir en considération du profit qu’il en tirera par la suite” 


Notre vie de futur prêtre nous fait vivre au cœur même des communautés. Nous sommes témoins d’une recherche acharnée des fidèles d’un espace dans la liturgie pour exprimer les intentions personnelles. Bien que tous les liturgistes reconnaissent le LPC comme l’un des plus grands matériels liturgiques jamais conçus, dans notre contexte haïtien un respect trop scrupuleux ne fait que convertir la liturgie en un spectacle clérical, un modèle difficile à comprendre.  

1.3 Le défi du cléricalisme liturgique

Les deux premiers défis susmentionnés nous conduisent au troisième : cléricalisme liturgique. Nous avons déjà dit que le français est la langue de l’enseignement surtout au niveau supérieur. L’étude supérieure à coté de la recherche d’un mieux-être est la principale cause de l’exode rurale en Haïti. Donc, souvent ne serait-ce les vacances, la communauté dont le créole est la langue réelle se trouve convertie en spectateurs. Car, il ne reste que le clergé et quelques conservateurs qui pensent que liturgie est synonyme de traditionalisme. A ce niveau la liturgie perd de sa dimension. En plus, aussi étrange que cela puisse peut-être nous paraître, la réalité montre qu’un prêtre épiscopalien haïtien a au moins cinq chapelles à sa charge. Et, l’engagement social de l’église en Haïti fait que, dans bon nombre de cas, ces chapelles sont liées à une école, un centre professionnel ou une clinique. Toutes ces charges administratives ajoutées à la charge pastorale ne peuvent faire de la liturgie qu’une activité machinale. Sachant que souvent il revient aux prêtres, coincés par le temps, d’en préparer la célébration.  

L’Eglise n’est pas seulement une institution sociale, elle constitue véritablement le Corps mystique du Christ et, donc, toute personne qui en est membre y a un ministère. Ministère qu’il doit exercer avec considération et appui des autres. A travers le baptême et l’eucharistie, Jésus nous revêt tous de son sacerdoce royal et nous invite à être une famille. La liturgie chrétienne n’accepte pas de spectateurs. Depuis son institution, elle a toujours été une œuvre de communauté. Certains spécialistes proposent, pour résoudre le problème du cléricalisme liturgique, de commencer par former liturgiquement les prêtres qui, à leur tour, encourageront les différentes entités paroissiales à organiser des retraites annuelles dans un centre de vie liturgique. Cela leur permettra aussi de mettre au service de l’église leur talent. 

Le problème du cléricalisme liturgique ne touche pas seulement les adultes dans l’église mais aussi les enfants. Le LPC qui est le livre de chevet de tous les anglicans est un livre complexe dont le langage n’est pas, à première vue, accessible aux enfants. D’où, il faut une nouvelle pédagogie pour aider les enfants à participer à la liturgie, laquelle en fonction de leur baptême leur revient de droit. C’est pourquoi nous proposerons l’intégration du mime dans la liturgie. Car c’est une activité gestuelle organisée avec, par et pour les enfants.

  1. Le défi de la formation liturgique  

Dans l’église, l’autorité vient de la vérité, chose qu’on ne détient pas seul, mais chose qui est partagée par toute la communauté des baptisés. Regardant de près le ministère de Jésus pendant sa vie sur terre, il est évident qu’il n’était ni un tyran médiéval, ni autocrate impérialiste. Cela ne veut pas dire qu’il siégeait sur des comités. Mais son autorité n’était pas non plus arbitraire. Et l’Église Primitive aussi était moins arbitraire que plusieurs de nos structures ecclésiastiques actuelles. Selon certains spécialistes, la solution au problème du cléricalisme liturgique doit passer par la formation liturgique même des prêtres. Les très rares ateliers de formation liturgique de l’église épiscopale haïtienne sont souvent conçus pour les laïcs, comme si les prêtres seraient eux-mêmes les spécialistes de la liturgie. Du point de vue liturgique, les laïcs n’ont-ils vraiment rien à apprendre aux prêtres ? La formation liturgique est une nécessité communautaire incluant prêtres et laïcs. C’est ainsi qu’on fera de l’inculturation liturgique une cause commune, les influences seront réciproques et les actions seront concertées et solidaires. Les caractéristiques de la spiritualité anglicane sont d’ordres christologique, biblique, patristique et liturgique. Nous n’allons pas y rester, mais disons en passant que sans une compréhension de ces caractéristiques, un paysan épiscopalien haïtien dans sa sphère rurale est comme un poisson hors de l’eau. 

Suite à la colonisation française, le long héritage gréco-romain imprime chez l’haïtien une peur bleue de la culture locale. L’émergence de la théologie de la libération en Amérique Latine nous laisse comprendre qu’en dehors de la culture locale, de la langue réelle (vernaculaire) la célébration liturgique n’est qu’une manière simple et vague de parler de l’inculturation ou de l’adaptation liturgique. Et, cela résulte contraire à l’Incarnation qui a été une œuvre concrète et complète. Aux yeux de beaucoup d’intellectuels haïtiens et des étrangers, la cathédrale sainte Trinité, pour ses fresques folkloriques, établit un dialogue entre le chrétien haïtien et son contexte réel. Cependant, comme nous l’avons montré tout au long de cette thèse, cette réalité est difficile à assumer par les haïtiens par le simple fait que ce dialogue est marqué par des traces culturelles et spirituelles africaines. D’où, pour dépasser cette incompatibilité, il faut une prise de conscience, une éducation et une valorisation de ce dont nous sommes faits culturellement. Sinon, comme disait Munda Nsemi, nous fanerons et nous sombrerons tous dans la soumission. 


  1. Le manque de création, de valorisation et de diffusion d’œuvres liturgiques haïtiennes

Chantez au seigneur un chant nouveau

Chantez au Seigneur, tous les pays.

Chantez au Seigneur, bénissez son nom,

Proclamez, jour après jour, son salut…  (Ps 95)

 

Vers les années antérieures au centenaire de l’épiscopalisme haïtien, on a déjà traduit partiellement le Livre de la Prière Commune en créole. Cependant, cette traduction n’a jamais été présentée ni rendue Co-officielle du Livre de la Prière Commune en français. Et, les communautés établies dans les villes, la cathédrale incluse, longtemps habituées au français, n’ont jamais ou très rarement utilisé la traduction créole dans la liturgie. Par voie de conséquence, elle est devenue une œuvre faite pour le monde rural haïtien. Et, aussi longtemps que la langue française a servi d’instrument de division sociale en Haïti, de base pour certains gouvernements et structures sociales qui se sont succédé en Haïti de maintenir en dehors des affaires politiques, économiques et sociales la masse paysanne, il résulte difficile sans une implication réelle et systématique de cette masse paysanne au point de revendiquer leur la liturgie créole, de se défaire de la liturgie en français, langue longtemps comprise en Haïti comme langue de la civilisation, langue de la haute société. 

Il est important de réviser avec un esprit critique la première traduction qui a été faite du LPC. Nous prenons ici le soin de dire avec un esprit critique. Cela veut dire qu’une liturgie anglicane haïtienne ne se limite pas à une traduction du LPC. Car ce denier a été écrit dans un contexte sociohistorique différent de celui d’aujourd’hui et pour un groupe de chrétiens particuliers. C’est par une valorisation de notre culture, de notre production liturgique même que nous émergerons. C’est ce qui fera également que nos célébrations liturgiques cessent d’être un simple “pensum divini officii, une simple “récitation des psaumes, des formules de prières dans leur matérialité”, mais plutôt marquera la confirmation de notre maturité spirituelle comme peuple pouvant apporter quelque chose spécifique au grand champ de l’unité chrétienne. Cela marquera non seulement notre respect des valeurs ancestrales mais aussi de manière spécifique, concrète et actuelle, réveillera les talents de nos membres, leur capacité d’écrire des hymnes, des musiques à partir de leurs propres sources, de leurs propres expériences de Dieu. Il y a lieu ici de reprendre les inquiétudes d’un participant à une étude biblique organisée à Bogota (Colombie) : “Pourquoi n’utilisons-nous pas nos propres mythes à la place des mythes des peuples hébreux” ? “Pourquoi faire appel à la Bible si nos propres histoires sont très bonnes, moins machistes et plus connues”? Ceci est constitutif de notre maturité chrétienne et populaire de pouvoir, dans notre langue vernaculaire, à partir de notre culture locale, de notre histoire et du son de nos tambours, à l’instar de la culture européenne et de la langue latine louer le nom du Seigneur qui lui-même se donne à connaître dans l’histoire humaine. 

Aujourd’hui encore, en dépit des conditions de vie très difficiles, les haïtiens conservent une joie de vivre qu'ils font ressortir à travers leur folklore, leur musique, leur langage, leur culture. Une inculturation profonde de l’Évangile est tenue de mettre ces richesses en valeur. Jésus, l’homme d’une race, d’une époque, d’un pays et d’une culture a su utiliser l’araméen, langue populaire du temps, pour transmettre la Bonne Nouvelle au peuple de son temps. Si ses contemporains l’ont rejeté ou accueilli, c’est parce qu’ils avaient compris le sens de sa mission et, l’Eglise Primitive a agi pareillement. Les tensions enflammées entre hellénistes et judaïsants (Ac. 6), non-juifs à Antioche et Juifs à Jérusalem (Actes 15) éclairent suffisamment l’importance de la culture de chaque peuple dans son processus d’évangélisation. Dans le contexte historique actuel d’Haïti où l’analphabétisme bat son plein, une liturgie créole est synonyme d’un meilleur engagement social, synonyme d’unité et synonyme de former, au vrai sens du terme, la famille, le Corps mystique du Christ.    

La musique a toujours accompagné l’homme depuis la nuit des temps. Les sons des tambours des paysans qui travaillent dans les Kombit et ceux qui manifestent leur croyance religieuse, offrent un concert pareil à ce qu’on peut écouter dans certains pays d’Afrique à la tombée de la nuit. Donc, le tambour est un instrument traditionnel africain et un instrument créole haïtien. En Afrique comme en Haïti, le tambour est un instrument de communication. Mais, en Haïti, on va jusqu'à l’extrême pour dire que “depi tanbou frape, tout ayisyen leve danse”. L’Église épiscopale haïtienne doit en tenir compte dans son inculturation liturgique. Et, le haut niveau d’engagement de l’église épiscopale, à travers l’OPST, dans la promotion de la musique en Haïti offre davantage d’opportunités vers l’inculturation de la liturgie dans le contexte haïtien. Les moyens ne sont pas à créer, ils sont là. On a seulement besoin de la création d’un espace où les prises de conscience puissent réunir tous les concernés pour travailler ensemble comme Eglise (semper reformanda). La Réforme Anglaise était, dans son sens liturgique, un retour aux sources, un retour à l’Eglise Primitive pour rendre la liturgie chrétienne plus communautaire. Donc, la participation laïque à la liturgie ne peut pas être, comme certains se plaisent à le dire, limitée à la lecture des graduels, en plus dans une langue incomprise. Parlant de la participation, les auteurs latins ont utilisé le mot actuoseque les traducteurs ont rendu par le terme français “actif”. Selon Denis Crouan, il aurait peut-être mieux valu traduire  par “participation effective” ou encore “participation véritable”. Pour que la liturgie soit pleine de sens, désemparée de tout sentiment de froideur et de désinvolture, elle doit être communautaire, un lieu de participation effective, de participation véritable. 


















Conclusion et recommandations

Du point de vue pastoral et missionnaire, l’avenir de l’Église se joue aujourd’hui partout en remplacement du vieux système qui faisait de l’Occident (Europe et Amérique du Nord) le centre du christianisme et de “la “Civilisation”. D’une part, certains prennent conscience de l’européocentrisme de la théologie qui a longtemps jalonné la vie de l’Eglise chrétienne et, d’autre part, cela marque l’émergence d’une nouvelle ecclésiologie. C’est en ce sens que beaucoup investissent le champ de l’“inculturation”, le nouveau nom que prend, selon Jean Bacon, le dialogue interreligieux. Dans cette nouvelle ecclésiologie, la culture occupe un rôle important. Michel Meslin soulignait avec véhémence que cette nouvelle ecclésiologie fait tomber la culture occidentale, laquelle longtemps conçue comme l’emblème de “la “Civilisation”, de “l’“Évangélisation” et condition sine qua non pour l’avènement des peuples non européens sur la scène mondiale. L’avenir de cette nouvelle ecclésiologie dépend de l’accomplissement de sa mission, de son engagement politique et surtout de sa praxis liturgique.  

La liturgie est l'expression de l'expérience spirituelle d'une communauté chrétienne ; c’est une expression dans la fidélité à la foi commune, aux signes sacramentels que l’Église a reçus du Christ, et à la communion hiérarchique. Donc, elle n’est pas une œuvre intouchable. Pour bien comprendre comment la liturgie est reliée aux différents aspects de la vie des peuples, Armand Veilleux considère deux niveaux de l’expérience spirituelle que nous reprenons ici. Premièrement, le plus fondamental, la liturgie est la rencontre même de Dieu dans la foi. Celle-ci est fondamentale pour tout homme. Cependant, elle est très largement conditionnée par la culture dans laquelle on vit et les catégories que celle-ci nous offre pour nous exprimer à nous-mêmes d'abord et aux autres ensuite, cette expérience. Le deuxième niveau est celui de la mémoire collective de cette expérience, à travers un ensemble structuré de rites et de croyances, qui constituent une religion. La liturgie appartient à ce deuxième niveau, où elle est le point crucial de rencontre entre l'expérience spirituelle et la vie extérieure. Liturgie et culture sont étroitement liées. Selon Armand Veilleux “la liturgie chrétienne s'enracine d'abord dans la tradition culturelle juive. Elle a été fortement marquée à ses débuts aussi bien par les grands courants spirituels du judaïsme que par certaines coutumes rituelles de l'Ancien Testament. Elle se situe par le fait même non seulement à l'intérieur d'une tradition religieuse mais aussi d'une tradition culturelle, celle d'Israël”. Mais, à partir de l'ère constantinienne, la culture romaine a, à son tour, imprimé sa marque sur le culte chrétien. Et, peu à peu, s'est constituée en Occident une liturgie latine intégrée à l'univers de pensée judéo-chrétien et à l'héritage culturel de l'Europe nouvelle. Il y a eu longtemps un mariage étroit, que l'on aurait pu croire durant un certain temps indissoluble, entre la liturgie catholique romaine et la culture latine. Au cours du processus d'évangélisation, des peuples ont été appelés, durant des siècles, à embrasser la foi chrétienne, à rejeter leur propre culture, profondément liée à leur vie religieuse, pour adopter la culture judéo-chrétienne romaine. Cette adéquation, toujours selon Armand, entre la culture environnante et l'univers symbolique de la liturgie, qui caractérisait le Moyen-âge, a été rompue depuis déjà assez longtemps. Le christianisme a pénétré dans des continents ayant leur propre culture, parfois beaucoup plus ancienne et peut-être plus riche que la culture latine. Donc, au moment où certaines cultures sont en voie de disparition, conséquences de la globalisation, on assiste à une nouvelle sensibilité humaine et à une globalité des prises de conscience. La dichotomie qui, longtemps, existait entre la vie quotidienne et la vie religieuse des chrétiens est aujourd’hui dépassée. Cette rupture de l’adéquation entre liturgie et culture marque l’importance même pour chaque peuple et même pour chaque communauté locale de développer sa créativité et d'inventer une expression liturgique qui traduise fidèlement les modalités de son expérience du Mystère du Christ. Au moment où nous assistons, au niveau mondial, à la mort d'un type de civilisation et à la naissance d'une société nouvelle, l’humanité toute entière devrait, selon les différences ethniques, culturelles, linguistiques, sociales, économiques et politiques, être capable d'inventer une grande liturgie cosmique pour célébrer cette mort et cette renaissance. C’est dans ce cadre qu’aujourd’hui il y a partout une conjugaison des efforts visant la tombée de la structure socioculturelle selon laquelle le langage utilisé dans la liturgie a longtemps véhiculé une attitude sexiste et une conception de la sujétion de la femme. C'est là surtout qu'apparaît l'importance de la mission de l’Église. Elle est toujours à reformer, sa liturgie incluse. Aujourd’hui beaucoup de problèmes que nous rencontrons dans nos célébrations liturgiques ne sont pas d'abord des problèmes proprement liturgiques, mais bien des problèmes de caractère culturel. Au génie culturel appartient le génie linguistique. A ce niveau, Haïti est un pays réellement créole. Dans le processus de l’inculturation, la liturgie joue un rôle très important. Elle doit être l’expression et l’instrument de notre communion réelle et de la stratégie missionnaire. Elle ne peut être simplement un “acte religieux”, plus ou moins mythique. Son inculturation sera la célébration et la confirmation du dynamisme évangélisateur, lequel se concrétisera moyennant nos engagements concrets en faveur de la vie dans ses différentes facettes (politiques, économiques, sociales, religieuses et culturelles); elle doit s’inculturer dans la réalité concrète de plusieurs groupes et peuples, elle doit être l’expression de notre communion incluente et compréhensive. Ainsi la liturgie sera comme tout dans l’église, “anamnèse”, moment “symbolique” de se réunir avec la réalité, de prendre conscience du sens divin de l’existence humaine dans le monde. 

Aujourd’hui particulièrement, quand l’axe des préoccupations de la société se déplace vers la dimension culturelle, la liturgie apparaît comme l’un des défis majeurs dans la vie de l’église. La liturgie est “action”, non une simple récitation de textes. Dans la liturgie, l’église doit se révéler comme un peuple particulier qui croit et qui loue Dieu dans son propre mode d’être, avec sa propre langue, avec liberté et créativité. C’est l’une des apports de la Réforme Anglaise.

En déclarant son autonomie au XVIe siècle, l’Église d’Angleterre n’a pas prétendu rompre avec la tradition catholique, mais elle a voulu affirmer la légitimité d’être église particulière, locale, nationale, comme avait été la pratique à l’époque patristique. Aujourd’hui, l’église épiscopale haïtienne sera fidèle à cette intuition anglicane originaire si, par sa liberté, elle se permet cette même expérience d’être devant Dieu un peuple particulier qui l’adore et proclame ses merveilles dans sa propre langue (Ac. 2), avec liberté et créativité. C’est la meilleure forme pour dénoncer toute prétention impérialiste ou colonialiste, qu’elle soit religieuse, politique ou culturelle. Car, toute liturgie pleinement inculturée est une contestation vive de tout système de domination culturelle. Selon le jésuite haïtien Fritz Wolf, inculturer l’évangile en Haïti signifie le faire pénétrer de l’intérieur comme de l’extérieur la manière de penser, de vivre, de sentir les choses de l’haïtien, sa vision du monde, son langage, son système de valeurs et de croyances, son rite, etc.

Parvenu au terme de cette recherche, nous devrions nous demander s’il faut encore aborder la question liturgique par le simple fait qu’une dialectique place l’expérience humaine de Dieu dans un contexte social, politique, économique, culturel spécifique ou, faut-il s’étonner si la liturgie et les formes qu’elle prit au cours des temps dans certaines cultures sont soumises à réévaluation. 

On définit la liturgie comme étant la source et le sommet de toute l’action de l’Église et de toute la vie chrétienne (SC, art. 10). Elle suppose, par sa nature même, l’action communautaire de tous ceux qui, par le baptême partagent le sacerdoce universel du Christ. Car, la liturgie est la manifestation primordiale de l’Église (SC, art. 26–30) et, de fait, doit donc correspondre au génie et à la culture des différents peuples (cf. SC 37-40), de sorte que celle-ci ne soit pas abolie mais rachetée et accomplie par le Christ.

Dans la Septante, le mot “liturgie” est utilisé pour n’importe quel service rendu par un citoyen pour le bien communautaire. D’où, l’avis le plus partagé considère qu’il n’y a aucune liturgie qui se célèbre dans un vide culturel. Il n’y a aucune liturgie qui soit faite une fois pour toutes et applicable dans n’importe quel contexte. C’est à travers les dimensions constitutives mêmes de l’homme (sociales, politiques, économiques, culturelles, religieuses, etc.) que Dieu se donne à connaître. Dans le cadre de cette recherche, comme beaucoup d’autres chercheurs, nous avons tenté de redécouvrir le rôle de la liturgie dans la vie de l’Église et montrer qu’elle est une activité communautaire, non un spectacle de “spécialistes” ou de la hiérarchie ; ni non plus un simple déplacement d’une  pratique d’un contexte à l’autre.

L’histoire montre qu’évangélisation et culture en Haïti marchaient jusque vers les années 1980 dans une totale dichotomie qui se faisait surtout remarquer  dans une liturgie inadaptée. Les années 1804 à 1860 furent marquées par le contrôle de l’église catholique romaine par l’état, la seule alors reconnu d’utilité publique, l’absence d’un clergé préparé et d’une pastorale organisée. Durant cette période, beaucoup d’institutions culturelles et sociales qui marquent jusqu'à date l’Haïti réel telles le plaçage, le vodou, le lacour, le coumbite etc. furent formées. Le mérite du clergé présent à cette époque fut, selon père Op Hey, missionnaire montfortain vers les années 1930, d’avoir empêché le pays de devenir protestant, parce qu’aussi des missionnaires baptistes, méthodistes et épiscopaliens furent invités par le gouvernement à déployer leurs activités dans le pays. Cette remarque du père Op Hey est significative de l’esprit antiprotestant qui a guidé l’église catholique romaine en Haïti durant son histoire

En 1861, l’église épiscopale fait son apparition officielle en Haïti sous l’appellation de l’“Église Orthodoxe Apostolique Haïtienne” et s’établissait surtout dans le milieu rural haïtien. Elle n’a pas pris longtemps pour commencer à jeter les bases d’une vraie église haïtienne en commençant par la valorisation de la culture locale, du folklore haïtien, la célébration de la liturgie autour de l’autel dans la langue  du peuple, le créole. Ce qui allait, selon William Smart, marquer la vie de l’église catholique romaine en Haïti jusqu’au lendemain du concile Vatican II. C’est à ce moment qu’elle commençait à repenser sa catéchèse, d’une part en donnant la place centrale à la Parole de Dieu et à Jésus-Christ, d’autre part en y faisant participer la communauté ecclésiale et la famille et, troisièmement, en portant la réflexion sur la réalité du peuple haïtien. Donc, à cette lumière, l’église épiscopale a longtemps anticipé l’apport du concile Vatican II. Elle a aussi anticipé l’état haïtien qui n’attendait que jusqu’en 1964 pour reconnaître constitutionnellement l’existence de la langue créole et en 1987 pour la rendre Co-officiel au français. Cet apport fait dire Hayden que le peuple noir prendra la relève des juifs et des chrétiens blancs pour revivifier le peuple de Dieu”. Cette remarque est significative de l’écrivain Hayden des considérations du légat de Jacques Théodore Holly à toute l’église épiscopale américaine d’aujourd’hui. Cependant, tous ces beaux efforts n’ont pas été poursuivis par les générations qui se sont succédé. D’où l’importance de notre investigation. Les cantiques et les prières actuelles de l’Église épiscopale haïtienne témoignent d’une théologie, d’une spiritualité de l’Incarnation très riche. Mais, étant incompris, n’embrassent pas la réalité haïtienne dans ses conditionnements historiques, politiques et culturels. Le contraire conduirait à un engagement plus pragmatique de nos communautés dans le but de perfectionner l’univers, de le racheter et de l’achever dans le Christ, jusqu'à l’avènement de la terre nouvelle et des cieux nouveaux. Dans la réalité actuelle de l’église épiscopale haïtienne, la liturgie (les prières, les commentaires, les homélies, etc.) est souvent réduite à la préservation de formes du passé et constitue ainsi une forme de domination et de soumission des communautés rurales aux préjugés sociaux de ceux qui pensent qu’à l’église on doit parler français, dans ce pays où la langue réelle est le créole

Notre prétention n’est pas de créer des problèmes inexistants avec la hiérarchie de l’Église ni de chercher une participation extérieure qui se limiterait à une superficialité ni transformer la liturgie en une catéchèse. La configuration rurale du diocèse et les expériences que nous y acquérons dans le cadre de notre formation nous portent au constat des faits palpables, des problèmes qui ne peuvent ni ne doivent perdurer. Il y a urgence. C’est ainsi que l’objectif de notre investigation fut de faire ressortir ces problèmes et, en même temps, tout en restant fidèle à la liturgie anglicane, utilisant les articles 24e et 34e du LPC, proposer des jalons en vue de les résoudre. Ce travail contribuera à rafraichir la mémoire de quelques uns, à éclairer l’esprit de certains autres et aider ainsi à produire une réflexion plus systématique et plus pragmatique en matière de liturgie. 















 

 

 

 

 

 

Recommandations

  1. Créer et promouvoir une liturgie “créole alternative”

Le LPC est pour certains un livre liturgique complet qu’il suffit d’appliquer fidèlement, oubliant ainsi que la liturgie est une actualisation de la vie chrétienne, non un exercice de récitation de formules. C’est un désir communautaire de vivre la foi authentique de l’Eglise Primitive conformément à l’évangile du Christ. Nos expériences dans les communautés nous laissent comprendre qu’une application fidèle des formules du LPC ne contribuera qu’à une perte du sens de la liturgie. Car celle-ci serait simplement une récitation de mémoire, une pratique machinale ; sans aucune participation réelle, consciente et effective. Donc, sans aucune possibilité de s’engager avec Dieu dans l’histoire.      

Il est vrai qu’on a traduit certaines parties du LPC en créole. Le résultat est déjà connu, le livre n’a pas servi le diocèse comme on le prétendait. Parce que la conscience des fidèles épiscopaliens haïtiens n’a pas été suffisamment éveillée à cet effet, la cause ne se fit pas commune, les influences ne furent pas réciproques et les actions ne furent pas assez solidaires. Nous proposons en lieu et place d’une traduction du LPC, la création d’une liturgie créole alternative qui soit un produit de notre propre contexte, et comme tel, qui méritera diffusion et valorisation. Pour cela, il faut une claire démonstration de notre rupture avec les anciennes pratiques : villes/ campagnes, intellectuelles/ analphabètes etc. lesquelles ont longtemps déchiré le tissu social en Haïti. Ainsi, nos célébrations cesseront d’être une simple récitation de formules mais traduiront vraiment l’intention dans laquelle la communauté est réunie. Là, nous sommes certains que nos membres, étant réconfortés, seront aptes à rendre leurs façons de vivre plus conformes à celles de Jésus. Car la liturgie est une actualisation de la vie chrétienne qui pousse à pratiquer la justice, à réfléchir sur les rapports interpersonnels et à la prière.

  1. Combiner le leadership épiscopal à la “synodalité” dans des ateliers de formation sur la liturgie, le folklore et la culture

L’église épiscopale est collégiale. Mais cela ne diminue pas l’autorité et l’influence dont l’évêque dispose. Bien que le vieil adage “là où est l’évêque là est l’église” soit dépassé par le temps, dans la mentalité des gens le schème demeure. 

Le carnaval est en Haïti une fête populaire. C’est la plus grande manifestation artistique, populaire et culturelle haïtienne. Cette date est intentionnellement coïncidée à l’organisation des camps pour les jeunes. Nous disons intentionnel parce que l’idée sous-jacente à cette pratique considère le carnaval comme pratique mondaine, diabolique de laquelle il faut surtout maintenir les jeunes chrétiens éloignés. Dans le cadre d’une formation sur la culture, le folklore et la liturgie, il sera important de combiner la synodalité ou la collégialité en vue d’une meilleure coordination ; et les églises auront besoin de l’humilité fraternelle pour admettre que la proclamation des mystères du christianisme ne peut être faite d’une redite des mêmes mots et des mêmes formules culturelles européennes ou anglo-saxonnes. Plus que jamais, la région afro-latino-américaine est en train d’assister à la fin d’une époque où l’occident est en train de cesser d’être le four où cuir le pain intellectuel de la catholicité, condition sine qua non de l’avènement des peuples non européens sur la scène mondiale. On se rend compte qu’il faut un effort pour dégager la signification actuelle de la parole de Dieu et du dessin de salut à partir de l’intelligence historique que la région prend d’elle-même et du monde. D’où la nécessité pour un dialogue entre la foi et la culture. Pour les sociologues, s’il faut que le dialogue entre la culture et la foi chrétienne soit franc, il faut que chacune d’elles soit appréciée à sa juste valeur. Le contexte dans lequel le christianisme était arrivé dans ce sous-continent ne laisse pas toujours le champ ouvert. C’était un christianisme contre la culture des esclaves. L’indépendance civile ne suffit pas pour effacer les lourdes conséquences que cela entraine. C’est ce qui complique un peu en Haïti la mission de l’église et en même temps lui donne son sens. Culture et foi doivent s’alimenter et non s’absorber. 

Nous avons tantôt parlé de l’humilité pour les églises haïtiennes parce que la religion traditionnelle africaine, le vodou, existe et prend davantage du terrain. Aucun dialogue avec la culture en Haïti ne peut être effectif sans le vodou. Selon Adoukounou, le dialogue entre les chrétiens et les vodouisants au Benin pose les jalons d’une théologie africaine. Il n’y a pas d’autres moyens pour arriver à une théologie haïtienne, laquelle facilitera la création d’une liturgie chrétienne haïtienne. 

Nous voulons insister surtout sur la formation culturelle, folklorique et liturgique des jeunes pour plusieurs raisons. De nos jours avec la globalisation, les jeunes sont plus exposés au phénomène d’acculturation. Et, l’acculturation n’est néfaste que quand on est assez préparé pour apprécier l’autre culture sans pour autant perdre la sienne. Former, en ce sens, entre dans le champ pastoral et missionnaire de l’Église. C’est le point de départ vers une liturgie haïtienne. Nous travaillons, dans le cadre de notre formation, dans les communautés rurales haïtiennes. Nous réussissons plus facilement à vulgariser les cantiques quand nous commençons par les jeunes que par les adultes ; surtout quand ils sont motivés et imprégnés d’une telle nécessité. Ainsi, vu l’implication des jeunes dans les différentes sphères de l’église (chorales, associations de jeunes, école dominicale pour les enfants, l’art, la musique, etc.), ils constituent un organe de transmission. Comme dit le vieil adage “on ne donne que ce qu’on a”. Une bonne préparation de ces jeunes pourra aussi réveiller le sens créatif et artistique des enfants. Et, sans trop de problèmes, ainsi on créera plus d’espace à la participation des enfants, lesquels souvent vus comme les “futurs leaders” de l’Église et, de fait très peu impliqués dans les sphères actuelles de l’Église.

 

  1. Décléricaliser la liturgie

Décléricaliser la liturgie, loin de diminuer la présence sacerdotale, comme certains le craignent, est en vérité une diminution de l’autorité absolue ancienne venant d’une optique médiévale. Le ministère du prêtre maintenant n’est plus une question de pouvoirs sur les autres, mais il est le reflet de la force de la communauté chrétienne elle-même. Dès lors, la liturgie reflète cette volonté de l’église et sera automatiquement démystifiée. Décléricaliser la liturgie c’est faire de la liturgie une cause commune et, comme telle, qui mérite des actions solidaires. Le cléricalisme est aussi un retard pour l’extension de l’Église dans le sens que les fidèles, par manque de formation, n’assument pas leur responsabilité, laissant ainsi tout aux prêtres souvent pris en sandwich entre le nombre des communautés et leur poids administratif. Donc, à ce niveau, la liturgie ne peut être qu’une célébration routinière, machinale.   

  1. Incorporer le mime dans la liturgie

Selon notre avis, le LPC est très complexe. D’abord l’espace aux intentions personnelles est très limité. Ensuite, en fonction du jargon liturgique du livre, les enfants n’ont pas non plus assez d’espace. Le mime (activité de danse organisée par, pour et avec les enfants dans la liturgie) a déjà créé des controverses entre les différents extrêmes du diocèse. Certains le voient mal par le simple fait qu’il constitue une pratique de l’église catholique romaine. Et, donc, connaissant l’apport de l’anglican Dom Gregory Dix au concile Vatican II, ce serait un manque à gagner pour les anglicans. La danse est un moyen d’expression qu’on peut même utiliser en vue de la transformation et de la création d’un espace pour les enfants dans la liturgie. Cet espace, considérant le niveau élevé d’analphabétisme en Haïti, sera en même temps une pédagogie pour enseigner aux adultes les vérités révélées. Car, de notre contexte culturel même, les gestes parlent mieux que les mots.    

  1. Organiser des symposiums ouverts sur la liturgie

Il est vrai que tous les haïtiens parlent et comprennent le créole et nous proposons la création d’une liturgie créole alternative. Cependant, à l’intérieur même d’Haïti il y a ce qu’on appelle “régionalisme linguistique”. Le nord et le sud ont des différences dans leur manière de parler le créole. Certaines expressions sont utilisées comme correctes dans le sud et constituent dans le Nord des sottises. D’où, certains spécialistes de l’inculturation proposent qu’on analyse les éléments culturels avant de les intégrer dans la liturgie. C’est pourquoi il est important de s’asseoir ensemble et prendre le poids des expressions et leur sens culturel si on veut créer vraiment une liturgie créole haïtienne inclusive.  

  1. Récupérer, approfondir, valoriser et diffuser les œuvres liturgiques haïtiennes

Au risque de nous répéter, la liturgie anglicane se concentre dans le LPC. Jusqu'à date l’église épiscopale haïtienne n’a pas officiellement un LPC en créole. L’inculturation de la liturgie doit commencer par une récupération critique de l’effort qui a accouché la traduction partielle dont nous avons tantôt parlé. Certes, les traducteurs ont échoué dans leurs efforts. L’histoire nous permet de prendre nos reculs et d’avoir nos propres jugements. C’est pourquoi aujourd’hui nous pouvons déceler des faiblesses surtout dans le respect des règles grammaticales fixées pour l’écriture du créole. Elles ne furent pas respectées. Dans l’objectif de vivifier nos communautés à travers une liturgie haïtienne utile, les efforts qui ont été faits doivent être récupérés avec, bien sûr, un esprit beaucoup plus critique et plus ouvert, pour être approfondis, valorisés et diffusés systématiquement à travers les communautés. Pour que cette valorisation et cette diffusion systématique soit effective, il faut un effort conjugué de nos institutions et de nos archidiaconés. 


Recommandations à niveau institutionnel et régional

  1. Que le séminaire de théologie de l’église épiscopale haïtienne fasse davantage la promotion de notre culture nationale en l’incorporant, de manière plus pragmatique et plus systématique, dans les programmes de formation théologique et liturgique. Car sans une participation dans les réflexions et les élaborations théologiques depuis son propre contexte, l’église épiscopale ne cessera jamais d’être une église coloniale et, de fait, toujours en contradiction avec l’intuition anglicane originaire qui fut d’être, dans le contexte anglais, une église particulière, locale et nationale.  

  2. Nous proposons, dans le cadre d’un travail plus systématique et plus cohérent, que la “Commission Liturgie et Musique” du diocèse prenne le nom de “Commission Liturgie et Culture”. Car la musique est un élément culturel. En appelant la commission “Liturgie et Musique”, on donne l’impression qu’on laisse intentionnellement de coté certains éléments culturels. Mais, en prenant le nom de “Liturgie et Culture”, l’impression va changer automatiquement. Elle sous-tend un travail plus intense, plus ample et, bien sûr, plus effectif. 

  3. Afin de découvrir les différentes particularités de la culture nationale, il est recommandé que les archidiaconés (Nord, Sud, Ouest, Sud-est, Sud, Grand-Anse, Centre) organisent des séances de formation pour les jeunes et les ministres laïques afin de découvrir davantage les particularités de notre culture nationale et, faire de l’inculturation liturgique un intérêt commun qui exigera des actions solidaires et des influences réciproques. 















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  • Constitution Gaudium et spes.

  • Constitution Sacrosanctum Concilium


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Www. egliseepiscopaledhaiti.org.

www.episcopalchurch.org

WWW. Sitecoles.org


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